Tout commence en mars. Confinement, il faisait encore froid, mais nous avons pris l’habitude, avec les voisins d’à côté, Sonya et Christian, de sortir toutes les fins de journée, ou presque, pour prendre un verre et jaser. Facile, nos terrains communiquent. Chacun chez nous, adossés au mur, avec le gros banc de neige pour déposer la bière. C’était devenu un rituel et une thérapie aussi. Puis, la neige a fondu, le printemps plus clément arrivait et le confinement se terminait. L’habitude est restée. Une question s’est posée : que faire de cet espace, devenu si précieux? On a eu l’idée d’un potager commun. Deux ou trois chaises se sont posées, puis on a pensé à un bistro. M’est venu un mot qui collait mieux au projet : une guinguette! C’est un mot, français, plus ancien, pour désigner un lieu populaire, souvent en plein air, qui servait de bistrot, de restaurant pour s’amuser et rencontrer d’autres personnes. Tous étaient d’accord avec l’idée: la Guinguette Laurier! On a accroché des lumières, on a installé des tables basses, un banc, des pots de citronnelle. On a continué nos 5 à 7, on s’est fait livrer du resto. Kathy et Maxime, les voisins d’en face sont venus faire des tours de plus en plus souvent. Avec eux aussi, on a bien ri, bien bu et bien mangé. D’autres voisins, d’autres amis aussi passaient nous voir. L’automne et l’hiver sont revenus, on a serré les meubles pour installer de grandes tables rondes. 

 

Alors que 2020 a rimé avec confinement (2021 aussi, misère!), isolement et distanciation, ma femme, moi et les voisins avons pu quand même tisser de nouveaux liens, plus forts, plus solides et tellement profitables. De bons voisins sont devenus de bons amis. La guinguette, au fond, c’est un prétexte pour parler des voisins, c’est l’idée que les voisins font partie de nos vies, si on le veut bien, et les rendent plus riches.   

 

Il y a 3000 ans (ça date!), Hésiode le Grec le disait déjà : « Un mauvais voisin est une calamité, un bon voisin un vrai trésor ». Mais le bon voisinage, ça se travaille aussi! Ça commence par des « bonjour! » et de petites discussions. Henri Laborit, biologiste et écrivain français, affirmait, sans tort: « Il est plus facile de professer en paroles un humanisme de bon aloi que de rendre service à son voisin ». Eric Hoffer, un sociologue américain, disait la même chose, qu’il est plus facile d’aimer l’humanité en général que d’aimer son voisin. Aider ceux qui partagent notre milieu de vie immédiat, ça ne semble pas toujours aller de soi. Pourtant, se prêter des outils, se donner un coup de main pour pelleter, avoir l’oeil sur la maison, ramasser le courrier et arroser les plantes sont des gestes simples qui peuvent en venir à de belles complicités aussi. Viendra alors peut-être le temps des soupers barbecue. 

 

Quand on déménage, on cherche souvent la maison idéale. On devrait plutôt chercher la rue idéale! « Choisir ses voisins est plus important que de choisir sa maison. » C’est un très beau proverbe chinois… 


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.