Dans un atelier baigné d’une douce lumière matinale, deux artistes amies m’accueillent chaleureusement pour jaser de leur exposition à venir, Réseau d’influence. Travaillant en tandem, Annie et Ariane incarnent la contradiction : styles artistiques, tempéraments, allure physique. « Oui, mais la vie est faite de contradictions! lance Annie, et c’est ce qu’on veut montrer dans l’expo : la transmission des messages à nos enfants, messages qui sont souvent contradictoires, comme ceux que nous avons reçus aussi. »
Les tableaux d’Annie traduisent visuellement cette dissonance : traits fins et légers qui donnent lieu à des représentations fines de mains à l’œuvre, tantôt enfantines, tantôt adultes, peintes sur des fonds de bois de pupitres recyclés un peu amochés. C’est la partie cachée du meuble d’école, la partie qui passe inaperçue. Comme les messages sournois que nous répétons à nos enfants, souvent inconsciemment. Prends ton temps, titre du tableau où de petites mains s’efforcent de presser un citron. Joue!, désignant les doigts enfantins au piano. Des bas qui s’ajoutent à la queue leu leu sur une corde à linge : Attends ton tour. Et puis une main de maman (Annie, en occurrence) qui caresse le pied d’un verre de vin : Mange tes légumes.
En parallèle seront exposées des œuvres d’origami, tels que de petits papillons! « Depuis que nous vivons la maternité, explique Annie en indiquant Ariane, nous prenons conscience qu’on fait de l’origami avec nos enfants, nous créons chez eux des mauvais plis, souvent sans vouloir. Et ça continue à l’école où on encourage le formatage de l’enfant non pas pour qu’il soit lui-même, mais pour qu’il suive une voie unique, pour qu’il soit bon à l’école. » Est-ce vraiment cela que nous voulons transmettre à nos enfants?
Or, l’exposition est pleine d’espoir pour la nouvelle génération. Voyez les photos de famille d’Ariane, des transferts d’images sur toile brodées de mots de rébellion et d’espoir en rouge et en rose : essaie, espère, voyage, désire, invente… « On dirait qu’on a peur de se lancer des fleurs, mais en fait, quels messages transmet-on? » questionne Ariane. C’est en partie grâce à leurs grands-mères, qui ont su leur léguer cet amour de la vie aux lunettes roses, que les deux artistes souhaitent à leur tour léguer leur vision. Dans les toiles d’Ariane, il y a peu de peinture : plutôt des médiums mixtes avec, en arrière-plan, des images de ses enfants ou de sa jeune et séduisante grand-mère jadis. Source d’inspiration, Ariane retient les derniers mots que celle-ci a prononcés avant de sombrer dans un coma duquel elle ne s’est jamais réveillée : « Dans le fond, soyons heureux. »
Réseau d’influence, au Centre d’art Rotary de La Sarre, du 25 février au 10 avril 2016, vernissage le 25 février 2016. En exposition au Centre d’exposition d’Amos pour la période estivale. \