L’identité québécoise au cinéma a été auscultée par tant de cinéastes sous tant d’angles différents qu’il semble difficile de proposer une approche originale et pertinente. C’est toutefois ce qu’a réussi à accomplir la réalisatrice Carole Poliquin avec le documentaire l’Empreinte (2014), sélectionné au Gala du cinéma québécois. Mettant en vedette Roy Dupuis, ce long-métrage nous amène dans une quête vers nos origines métisses trop souvent inavouées et vers les traces que celles-ci ont laissées sur l’ensemble de la société québécoise.

On remonte jusqu’à l’arrivée de Champlain en 1603 pour revoir sous quels termes les premières rencontres se sont déroulées. L’historien Denys Delage avance le fait que « l’établissement des Français ne démarre pas avec des guerres, mais avec des alliances avec les Autochtones ». De cela découle une plus grande proximité entre les colons français et les Autochtones que dans d’autres colonies.

L’Empreinte opère sous le thème de la réconciliation. La réconciliation avec une relation développée pendant une tranche de notre histoire occultée par les escroqueries et les abus dont les Autochtones ont souffert dans les derniers siècles.

La thèse du documentaire soutient que le métissage entre les Canadiens français et les Autochtones serait une pièce importante du puzzle de l’identité québécoise. Une plus grande propension au dialogue et au consensus ainsi qu’un certain malaise face aux structures hiérarchiques rigides se manifestent dans plusieurs sphères de la société québécoise, tant au niveau de la justice qu’au niveau managérial, et ces traits seraient fortement hérités de cette relation qui jadis fut très importante.

Nancy Poudrier, directrice du CPE Abinodjic-Miguam à Val-d’Or, participe à sa façon à cette réconciliation en accueillant des enfants autochtones et allochtones. C’est une façon de s’attaquer au racisme à la base et de tisser des liens plus forts entre nos deux communautés.

Roy Dupuis, qui se charge des interviews, reçoit les propos des intervenants comme autant de réponses aux questions sur son identité de blanc. En fouillant dans son arbre généalogique, il constate qu’il est le résultat de plusieurs métissages à travers les générations. Il y a quelque chose de tragique à savoir que cet aspect de ses origines lui était inconnu, comme si la honte s’était installée à un moment de notre histoire, effaçant les traces d’une amitié qui a assurément existé.

L’historien Denys Delage affirme que la peur de s’associer aux Premières Nations se serait installée suite à la conquête britannique. La crainte d’être déportés comme les Acadiens qui, aux yeux des Britanniques, s’étaient trop « ensauvagés » a en partie découragé les Canadiens français à assumer leur métissage, qu’il décrit comme « une expérience qui nous a profondément marqués et dont il faut cesser d’avoir honte ».

Pour « rattacher le fil rompu de notre histoire », l’anthropologue Serge Bouchard est catégorique : « Il faut tout démancher notre histoire nationale puis la rebâtir, beau contrat ! »

L’Empreinte est disponible en visionnement en ligne sur le site onf.ca. \


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