C’était en 1984. Les réalisateurs Daniel Corvec et Robert Monderie, accompagnés de Richard Desjardins à la recherche, dévoilent Noranda, un documentaire portant sur l’impact des émanations de métaux lourds sur les employés de la fonderie Horne. Alors que l’inquiétude devant les conséquences des émissions de substances potentiellement nocives pour la santé humaine fait un retour en force dans les manchettes de l’actualité régionale, le comité Arrêt des rejets et émissions toxiques de Rouyn-Noranda (ARET) organisait, le 5 septembre dernier, une projection de Noranda au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue à Rouyn-Noranda.
Au début des années 1980, la venue d’une équipe de chercheurs du Mount Sinai School of Medicine de New York à Noranda sert de prétexte pour amorcer une enquête et entamer la création du documentaire. Ces spécialistes de la santé viennent effectuer une série de tests sur les travailleurs de l’usine de transformation de Noranda. « L’idée, c’était de savoir comment étaient affectés les travailleurs à l’intérieur de l’usine, puis les gens à l’extérieur, mais principalement les travailleurs », résume le réalisateur Daniel Corvec.
C’est à cette occasion qu’est révélée l’exposition de la population à certaines substances potentiellement nocives, explique le réalisateur Robert Monderie. « On savait qu’il y avait du gaz, de l’anhydride sulfureux, mais personne n’était conscient de l’effet des métaux lourds. Ça, c’était nouveau. On apprenait qu’il y avait du cadmium, du plomb, et de l’arsenic. On ne savait pas que la population était empoisonnée, à quel niveau », expose-t-il.
« C’était la première fois [qu’étaient examinés] les effets combinés des métaux lourds et du SO2 (anhydride sulfureux). C’est ce qui intéressait beaucoup [les chercheurs]. C’était un grand succès cette opération-là », précise Richard Desjardins, chargé de la recherche, de la narration et de la bande sonore. Ce dernier évoque aussi la nouveauté de voir s’ouvrir les portes, traditionnellement closes, de la fonderie. « En même temps, pour nous autres qui avons travaillé sur le film – on vient de Rouyn-Noranda tous les trois –, personne ne savait comment ça marchait cette usine, personne ne savait quelle sorte de compagnie c’était. »
S’INFORMER ET SE MOBILISER
Robert Monderie se souvient des échos de la sortie de Noranda dans la communauté. Il évoque entre autres les actions d’un comité citoyen de protection de l’environnement. C’est à la suite des revendications du comité que des démarches ont été entreprises dans le but de réduire les émanations d’anhydride sulfureux. « Les gens ont pensé que c’était réglé. Même nous autres on pensait que le problème était réglé », avoue Robert Monderie, qui se désole de voir des enjeux semblables faire surface aujourd’hui. « À l’époque quand on faisait ce film-là, on pensait qu’informer, ça réglerait le problème. Mais on est obligé de voir que c’est pas le cas… C’est pas juste l’information, c’est la mobilisation puis de vouloir faire des changements [qui engendreront des résultats] », soutient-il.
Pour le comité ARET, organisateur de l’événement, beaucoup d’éléments soulevés en 1984 dans Noranda se reflètent dans l’actualité entourant les émissions d’arsenic à Rouyn-Noranda. Le 5 septembre, la projection de Noranda au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue à Rouyn-Noranda a d’ailleurs attiré beaucoup de citoyens inquiets. Le visionnement précédait une période de discussion animée pendant laquelle l’émotion et l’indignation étaient palpables.