Depuis le début de la pandémie de COVID-19, les Québécois ont pris conscience de l’importance de l’achat local, tendance qui s’est traduite aussi dans le domaine agroalimentaire. Mais si la cuisine et les aliments régionaux sont de plus en plus populaires et accessibles, il n’en a pas toujours été ainsi. C’est entre autres grâce à des chefs convaincus, qui les ont inclus sur leurs menus, que les produits régionaux ont été adoptés par un large public. L’Indice bohémien s’est entretenu avec certains de ces chefs.
UN CHEMIN À TRACER
Dès ses débuts en cuisine, Ghislain Trudel, ex-restaurateur et propriétaire de l’entreprise Promotions Agro, s’est fait un point d’honneur de mettre de l’avant les aliments de l’Abitibi-Témiscamingue, mais ce n’était pas chose facile. Non seulement les gens ne connaissaient pas ces produits, mais ils s’en méfiaient, peinant à croire qu’ils pouvaient atteindre la même qualité que ceux du reste du pays. M. Trudel se souvient : « Quand j’ai démarré mon entreprise, on m’a refusé un prêt à la banque en disant que ça n’existait pas, les produits régionaux. »
Ghislain a cependant poursuivi ses projets. Au fil des ans, il est allé à la rencontre des producteurs, a dressé des listes exhaustives de produits régionaux et a transmis sa vision à son entourage. Avec ses amis Michel Viel, Michel Gagnon, Yves Moreau et Gino Côté, il a créé Origine Nord Ouest, un regroupement de chefs qui vise à faire connaître la gastronomie régionale, et qui a fait paraître deux livres de recettes en 2009 et 2014. « On faisait découvrir les produits régionaux, mais les chefs aussi parce que les gens parlaient des grands chefs de Montréal, mais ici, les chefs n’existaient pas », résume M. Trudel.
UNE ÉVOLUTION PLUS QU’ENCOURAGEANTE
Pour les chefs rencontrés, la base de la gastronomie repose sur la mise en valeur de l’aliment et la connaissance de sa provenance. Ils sont heureux de constater que les gens sont de plus en plus sensibles à l’importance de la consommation locale, mais aussi à la qualité de la gastronomie régionale : « La qualité de la gastronomie qu’on peut trouver ici, je la trouve pas mal plus franche que ce qu’on peut trouver dans les grandes villes. On met beaucoup plus en valeur l’aliment et le producteur », affirme Aurélie Laforest, chef privée à Saint-Marc-de-Figuery.
Les chefs se réjouissent de constater une cohésion grandissante entre les divers producteurs et transformateurs agroalimentaires. Dans plusieurs cas, l’esprit de compétition est mis de côté pour faire place à la collaboration. Pour eux, l’avenir de la gastronomie régionale repose entre autres sur la poursuite d’un travail d’éducation auprès de la population (ateliers de cuisine, dégustations de produits régionaux, etc.) pour lui faire découvrir les produits d’ici, mais aussi sur la mise en valeur du métier de chef et de la gastronomie en tant que richesse régionale : « La richesse de la région n’est pas forcément dans le sous-sol, elle est aussi au ras du sol, chez nos producteurs et nos transformateurs », conclut Régis Henlin, propriétaire des Becs Sucrés-Salés à Val-d’Or.