Au Festival international du cinéma en Abitibi-Témiscamingue (FCIAT), le lundi après-midi est le bloc réservé aux films étudiants.  Cela représente une belle vitrine pour ceux-ci et une l’occasion de voir leurs films sur grand écran, comme au cinéma!  Il s’agit pour eux d’un moment inoubliable, à tel point que lorsqu’ils reviennent après quelques années pour présenter des films réalisés en tant que professionnels, ils ne manquent jamais l’occasion de relater cette expérience fondatrice.

PASSAGE

C’est justement ce que Sarah Baril-Gaudet a fait en venant présenter son premier long métrage documentaire Passage.  Originaire du Témiscamingue, elle voulait témoigner des atermoiements et tergiversations des jeunes Témiscamiens, obligés de s’expatrier pour poursuivre leurs études.  Comme tous les jeunes, ceux-ci ne savent pas s’ils font le bon choix et pour beaucoup, cette étape est une déchirure.  C’est du moins ainsi que l’a vécu Sarah Baril-Gaudet. Cet aspect ressort dans le soin avec lequel elle filme le Témiscamingue.  Les paysages sont magnifiques et l’on sent l’attachement de la réalisatrice pour sa région d’origine. 

Sarah Baril-Gaudet a choisi d’accompagner deux jeunes qui veulent partir.  Elle les suit dans leur vie de tous les jours, durant un été, avec une grande patience et un grand respect.  Pas de narration ici, ni de témoignage hors champ; que de la réalité. Il n’y a dans ce film aucun effet appuyé.  La réalisatrice préfère laisser parler le non spectaculaire parce que la vie loin des grands centres est parfois remplie de riens, d’ennui, de temps à tuer. Elle laisse cette dimension habiter le film. « J’ai choisi des cadrages larges, une caméra fixe avec mes protagonistes dans l’image.  Les paysages n’ont pas la seule fonction de créer des transitions, mais vraiment de faire en sorte d’intégrer les personnages dans les paysages », explique la réalisatrice. « Au Témiscamingue, c’est là-dedans qu’on vit, je voulais le montrer », ajoute-t-elle.

STILL FEEL YOU WITH ME

Également de la région, Béatriz Mediavilla présentait Still Feel You With Me, la captation d’une visioconférence effectuée sur l’application Zoom. Le tout a été enregistré au début d’octobre en marge du Portland Dance Film Festival où Béatriz présentait son dernier long métrage Habiter le mouvement.  Il s’agissait d’un atelier de danse virtuel : Béatriz partait le bal en entamant une chorégraphie que les autres suivaient. Ensuite, un autre participant prenait le relais.  C’est l’application qui décidait de la configuration de l’image au grand bonheur de la réalisatrice, car l’impression au visionnement est que le personnage du milieu menait le jeu. « C’était parfait pour moi », a-elle confié, car cette participante « exprimait bien les choses ».  Le résultat est étrangement cinématographique : on se retrouve devant un split screen hypnotisant, les neufs participants visibles reprenant les mêmes gestes devant nous avec l’illusion qu’ils ne se voient pas, ce qui est pourtant faux. Une belle idée qui aborde le confinement – les gestes des danseurs étant limités par le champ de la caméra – mais pas directement.

QUELQUES COUPS DE COEUR

Parlant de confinement, le long métrage du bloc du matin, All This Victory de Ahmad Ghossien nous a sans doute remis à notre place.  L’action se déroule au Liban en 2006 et nous fait partager le confinement de personnages piégés et réunis par hasard dans une maison d’un petit village où s’affrontent le Hezbollah et les forces israéliennes.  Pas d’eau, pas d’électricité, pas de nourriture, des bombes qui éclatent autour de soi.  C’est un film efficace et prenant; la guerre est une chose terrible et il est important de nous le rappeler de temps en temps.

Pour terminer, le film Tantas Almas de Nicolas Rincón Gille est également un film dur, mais d’une beauté renversante.  En Colombie en 2002, un homme, José, part à la recherche des cadavres de ses deux fils tués par les forces paramilitaires et jetés dans un fleuve.  Pendant deux heures, on suit la quête insensée de cet homme : la caméra est collée au personnage, il est dans tous les plans.  La musique n’est présente que dans l’action et les dialogues réduits au minimum, faisant en sorte que le fond sonore de la nature prend une grande importance, en particulier les clapotements du fleuve que José ne quitte pratiquement pas.  On se retrouve pratiquement plongés dans une jungle humide et étouffante à suivre cet homme, une force de la nature tendue vers un seul but : retrouver ses fils.  Son obstination est bouleversante et on ne sort pas de la salle indemne.


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