La programmation était encore une fois variée le mardi 3 novembre, troisième journée du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue.

DES FILMS RICHES EN ÉMOTIONS

D’abord, les trois longs métrages offraient une palette diversifiée d’émotions. Supernova, film polonais réalisé par Bartosz Kruhlik, oscille l’air de rien entre plusieurs genres cinématographiques.  Une femme quitte son mari alcoolique pour rejoindre son amant.  Elle marche seule sur une route de campagne avec ses deux enfants qui n’ont pas envie nécessairement de la suivre.  L’homme tente de l’en empêcher, mais trop saoul, finit par s’effondrer sur le bord de cette route pas très achalandée.  À partir de cette prémisse somme toute banale, le réalisateur nous amène vers des sommets dramatiques insoupçonnés sans jamais quitter cette petite route de campagne.  L’espace est circonscrit et sans trop s’avancer, on peut estimer que la durée de l’action correspond à celle du film.  Unité de temps, de lieu et d’action.  Nous sommes dans une tragédie : Supernova en a la forme et le propos.

Le documentaire sur Raoul Duguay, présenté en après-midi, était très attendu des cinéphiles et a été très apprécié.  Le réalisateur, Yves Langlois, a suivi l’artiste durant toute une année.  Le film démontre comment cet homme de 80 ans est une force de la nature, qui n’a rien perdu de sa passion ni de sa sincérité. De lancement en exposition, de lecture de poésie en entrevue, l’artiste est encore très actif.  Ce film de 80 minutes sera présenté prochainement dans une version écourtée de 50 minutes à la télé de Radio-Canada.

Finalement, en soirée, le film mexicain Los Lobos, de Samuel Kishi Leopo, est arrivé avec son univers poétique, mais réaliste.  Une jeune femme que l’on imagine veuve décide de venir s’installer avec ses deux jeunes fils aux États-Unis.  On nous montre la vie parsemée d’embûches, non seulement pour les immigrants, mais également pour ces femmes immigrantes, toutes seules, sans soutien et sans formation.  Elle cumule deux emplois pour joindre les deux bouts et laisse toute la journée ses deux fils dans un minuscule appartement insalubre avec interdiction d’en sortir.  Mais les garçons, même s’ils déploient des trésors d’imagination (il faut saluer les animations avec leurs dessins d’enfant qui interviennent ponctuellement dans l’histoire), ont besoin d’un peu d’air et d’espace et vont désobéir.

Ce film nous montre une Amérique de laissés-pour-compte dans des quartiers peuplés uniquement d’immigrants. Oui, la vie est dure, mais les gens sont bons comme le montre par exemple cette scène où la voisine madame Chang va passer l’Halloween avec les garçons durant que leur mère travaille.  Même l’argent volé réapparait finalement. Mais on est loin d’un conte de fées.

L’AUDACE DE GENEVIÈVE ET MATTHIEU

Le temps fort de la journée était sans doute la présentation du film du duo d’artiste Geneviève et Matthieu.  L’Opéra d’Or s’inscrit dans l’univers que le couple a développé dernièrement avec performance, environnement sonore et sculpture. Cette exposition /performance a tourné l’an passé au Québec dans divers lieux de diffusion.

Cette sélection était une vraie prise de risque pour le Festival : il s’agit tout de même d’un film expérimental et non narratif (enfin pas dans le sens habituellement compris par le public du festival) qui ne se retrouve pas à l’Espace court, mais dans la programmation officielle.  « Ils nous ont acceptés avec 3 minutes de film et là on en a fait 10 minutes! On espère qu’ils ne regrettent pas! », raconte Mattieu.   

Ceux qui connaissent le duo savent qu’il touche à pratiquement toutes les formes d’art, mais jamais encore il n’avait touché au cinéma. « On a approché Dominic Leclerc parce qu’on ne voulait pas juste une captation de performance, on voulait utiliser le médium cinématographique », précise Matthieu.  Il a donc fallu réfléchir aux bases de tout l’édifice de L’Opéra d’Or et en revenir au synopsis de départ.  Celui-ci avait servi d’inspiration pour tout le concept de l’exposition, mais sans être nécessairement apparent.  Dans le film, il est clairement énoncé; il représente même l’aspect narratif du film, élément que les artistes voulaient justement utiliser dans cette première expérience en cinéma.  « Nous autres, on aime mélanger les codes et les codes cinématographiques nous manquaient », nous dit Geneviève.

En terminant, mentionnons que Geneviève et Matthieu vont quitter l’administration de l’Écart au début de l’an prochain afin de se consacrer à temps plein à leur carrière artistique.  Et ils vont faire cela en restant en région.  Ça vaut la peine de le souligner.


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