J’ai enfin dépris ma van de la neige : la saison de la grand-route se pointe le bout du nez. Chaque printemps devient l’occasion de mettre à jour ma liste de lecture.
L’ODYSSÉE DES SENTINELLES DU NORD
Commençons avec les Sentinelles du Nord qui proposent leur deuxième album, L’Odyssée. Cette autoproduction a été enregistrée et mixée dans le studio de Pete Chamberland, membre du groupe. « Le groupe s’est autofinancé, comme dans le temps des peuples sédentaires, avec l’agriculture », précise Jérémie Tremblay. « Les 18 nouvelles chansons abordent des sujets actuels ou fantaisistes. L’Odyssée est un album expérimental, et le plaisir et la créativité ont été mis de l’avant dans la production. [Nous sommes] impatients d’un retour à la normale, le quatuor sera prêt à attaquer les scènes avec du nouveau matériel », explique Pete Chamberland. Le quatuor est complété par Benoit Audet à la basse et Christian Leclerc à la batterie.
L’album vient avec un livret de paroles virtuel, accessible grâce à un code QR, dans lequel chaque chanson est accompagnée d’une œuvre de Vanessa Gagné Samson.
La première pièce La vie est triste sans été donne le ton à l’album. C’est un hit estival qui accélère l’arrivée du printemps. Elle résume avec humour la dernière année un peu morose et fait la liste du bonheur qui s’en vient. Dans cette énumération de petits plaisirs, j’ajouterai le fait d’être bronzé en camionneur.
C’est un bon album de début de roadtrip où les genres se mélangent. Parfait pour se promener aléatoirement sur les routes avec insouciance.
DIRT AND DECAY D’EVIL PREVAILS
Après avoir rêvassé sur les routes secondaires, il est temps de converger vers les grandes artères. Dirt and Decay d’Evil Prevails est ce qu’il faut pour arrêter de zigonner autour du point A et se diriger vers le point B. Ce microalbum (EP) de cinq pièces met en perspective l’ère dans laquelle on vit. Bien que l’album se prête à la situation actuelle, l’écriture a commencé avant la pandémie, en 2018. Je remarque qu’ils ne sont pas rares les artistes musicaux qui ont saisi l’air du temps bien avant la crise. Drôle de synchronicité.
Le titre est inspiré du roman Sa Majesté des mouches (Lord of the Flies) de William Golding. « Toutes les chansons parlent du côté sale de l’humain, les choses qui se retrouvent sous le voile de notre masque social. Dans le livre, un personnage se rend compte qu’il est rendu sale et que son gilet est de la crasse. Ça fait référence au fait qu’il perd son côté civilisé », raconte Simon Turcotte, chanteur du groupe. Cette thématique est une constance dans le microalbum. La dernière pièce, Witchcraft,parle de la chasse aux sorcières à Salem où la population a perdu le contrôle et s’est mise à brûler et pendre des gens accusés de sorcellerie. « On perd le sens logique en groupe comme dans le livre. On parle aussi d’armement nucléaire et de notre mode de vie automatique qui fait qu’on se détériore. C’est un sentiment de se perdre dans un effet de groupe et de masse », ajoute Simon Turcotte.
Je ne peux m’empêcher de faire des liens avec l’actualité : des manifestants qui envahissent le Capitole à Washington, des courtepointes de mensonges que certaines personnes cajolent maladroitement, la toxicité ravageuse et les jardins de bêtises cultivés sur le fumier de l’aveuglement. Bref, une bonne dose de réalité qui équivaut à un bulletin d’information.
LA BALLADE DE FARLEY DE FARLEY
On change de registre avant que je dépasse la limite de vitesse. Selon moi, la meilleure musique de route est le country. Ça tombe bien, car La ballade de Farley est le troisième album qui se retrouve dans ma liste de lecture.
Tout y est. Coucher de soleil, guitare, p’tite bière froide, cheval, yodle et câlins coquins. C’est efficace et sans prétention. Bon album de fin de route où on s’installe camper et on part le feu camp. Les pièces s’enchaînent comme des Budweiser en canette. Quand tu bois du José Cuervo confirme qu’il faut prendre une pause de la route pour la journée. Sacré Cayouche est un bel hommage à une légende du country. C’est une chanson-récit où on reconnaît les bars et les rues d’Amos et on voit les grosses bières et le maïs soufflé gratuit trop salé. Quand le soleil se couche au bout du ciel est selon moi la pièce la plus complète. La douceur des textes fait qu’on dépose notre bière sur le porte-gobelet de notre chaise de camping. Farley est conscient de certains clichés, mais en fait fi.
L’hiver a été long et ankylosant. La ballade de Farley me rappelle qu’il faut que je sorte davantage, que j’ai beaucoup trop joué à Red Dead Redemption 2 et que j’ai vraiment une envie de festivals.