CORENTIN BAJARD, DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT DU CONSEIL RÉGIONAL DE L’ENVIRONNEMENT DE L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE

Le Québec se trouve à un tournant capital alors que la province affiche une empreinte matérielle de 271 millions de tonnes par an, soit 32 tonnes par personne (selon le Rapport sur l’indice de circularité de l’économie produit par Circle Economy et RECYC-QUÉBEC publié en 2024). Cette quantité est bien au-delà de la moyenne mondiale et transgresse trois limites planétaires (changement climatique, eutrophisation marine et utilisation de l’eau douce). 

Le rapport de Circle Economy et RECYC-QUÉBEC révèle que l’économie circulaire pourrait réduire de moitié cette empreinte tout en créant des emplois et en renforçant la résilience économique et écologique. Pour y parvenir, il faudra toutefois repenser en profondeur la gestion des matières résiduelles, un levier souvent sous-estimé, mais essentiel, à cette transition. 

Il est vital de se pencher sur la façon dont le Québec peut passer d’un modèle linéaire (extraire, fabriquer, jeter) à une économie circulaire où les déchets deviennent des ressources. Entre progrès encourageants (comme le taux de recyclage des matières organiques à 64 %) et défis persistants (seulement 3,5 % de circularité), l’enjeu est de taille, mais nos poubelles pourraient bien être la prochaine mine d’or du Québec. 

CHAMPION DU GASPILLAGE, MAIS PORTEUR DE SOLUTIONS 

En 2007, Harvey Mead lançait un avertissement : « Si toute l’humanité vivait comme les Québécois, il faudrait trois planètes. » Le Rapport sur l’indice de circularité de l’économie (2024) confirme ce constat : avec 32 tonnes de matières consommées par habitant (3 fois la moyenne mondiale) et une économie à 96,5 % dépendante de ressources vierges, le Québec dépasse dangereusement 3 limites planétaires (climat, +1 041 % – eutrophisation, +83 %; eau douce, +52 %). Malgré des progrès comme le bac brun, 5,3 millions de tonnes de déchets sont encore enfouies chaque année, et la collecte sélective peine à atteindre 48 % d’efficacité. « On recycle, mais on ne boucle pas la boucle », résume Sonia Gagné de RECYC-QUÉBEC. 

Pourtant, des solutions existent. Le Rapport sur l’indice de circularité de l’économie propose 6 scénarios pour réduire de 45 % l’empreinte matérielle d’ici 2030 en misant sur la conception circulaire, la consommation responsable et la symbiose industrielle. Des entreprises québécoises démontrent déjà que la transition est possible. Cependant, des embuches persistent : manque d’infrastructures, réglementations inadaptées et méconnaissance des citoyens. 

Avec l’exemple de l’Europe qui projette 55 % de déchets recyclés et des économies annuelles de 380 milliards de dollars, l’économie circulaire se présente comme une solution de remplacement à notre vision traditionnelle de production et de création de richesse. Il s’agit d’un modèle qui prend en compte le respect de nos ressources et de notre biodiversité. 

Pour rattraper son retard, le Québec doit investir dans des centres de tri et des usines de recyclage locaux, responsabiliser les producteurs par des incitations financières et sensibiliser la population (40 % des Québécois ignorent encore les règles de tri). 

« La prochaine ruée vers l’or est dans nos poubelles », a affirmé l’ancien ministre de l’Environnement, Benoit Charette. À condition d’agir maintenant et ensemble. 

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