DOMINIQUE ROY
Dans L’Indice bohémien de septembre dernier, Émilie B. Côté se confiait sur son travail de recherche artistique effectué en partenariat avec l’entreprise Miel Abitémis. Un projet inusité… Des échantillons – de plastique, de Plexiglas, de plâtre et d’ossements – avaient d’abord été déposés à l’intérieur de ruches dans le but que les abeilles fabriquent des alvéoles de cire sur ces différentes textures. Par la suite, ce sont des sculptures de l’artiste qui y ont été ajoutées. Pour créer son œuvre, l’artiste était donc à la merci de la productivité des insectes hyménoptères.
Et le projet, jadis embryonnaire et incertain, aboutit aujourd’hui à quelque chose de concret. Le travail sculptural de l’artiste et de ses cocréatrices bourdonneuses fait partie de la programmation du VOART Centre d’exposition de Val-d’Or où Habiter la ruche est présentée jusqu’au 30 mars.

DES OBSERVATIONS INTÉRESSANTES
L’artiste n’avait pas anticipé la lenteur des abeilles dans leur production. Le début de l’été ayant été peu profitable à la miellée dans les ruches sélectionnées pour y déposer les pièces, elle a dû attendre le mois d’octobre pour que les productrices agissent en quatrième vitesse et habitent les pièces avec leur cire.
Autre constat : les colonies ne travaillent pas toutes de la même façon, certaines créant leurs alvéoles du bas vers le haut alors que d’autres partaient le bal à partir du couvercle.
Le comportement des abeilles est captivant. « La cire est créée par une enzyme qu’elles ont dans le corps, explique l’artiste. Plus la cire est foncée, plus elle a été créée il y a longtemps. J’ai trouvé intéressant aussi de savoir que les abeilles sont remisées l’hiver, qu’elles sont au ralenti. Il y a aussi, quelques fois par année, des virus qui attaquent certaines colonies. Ça fait partie du paysage et on oublie comment c’est un insecte fascinant. »

HABITER LA RUCHE
Ainsi, c’est le résultat de sa recherche-création avec les abeilles que l’on peut visiter au VOART. « Il y a donc les pièces que j’ai déposées dans les ruches qui sont remplies de la cire des abeilles, explique Émilie B. Côté. Le résultat est assez brut, mais l’esthétique de la cire est déjà vraiment fascinante. J’ai aussi une projection vidéo d’une captation que Frédéric Patoine a prise à l’intérieur d’une ruche avec une caméra 360. On peut voir le comportement des abeilles, et on peut observer comment la cire évolue. »
Habiter la ruche… est un titre significatif pour l’artiste dont les œuvres ont cohabité plusieurs semaines avec les abeilles, ces dernières, du même coup, habitant les pièces en créant sur et autour d’elles. « Avec une caméra qui était placée à l’intérieur de la ruche, j’ai vraiment eu l’impression de faire partie du processus, d’habiter ces espaces vides qui étaient à remplir », explique l’artiste.
Avec cette récente exposition, Émilie B. Côté s’affirme une fois de plus comme artiste adepte du mouvement bioart. « À une époque où tout est dirigé vers le numérique et l’intelligence artificielle, j’ai envie plus que jamais de laisser la place au vivant, précise-t-elle. J’essaie de me reconnecter à ce que j’aimais quand j’étais petite parce que je considère que c’est la vérité, mon essence profonde. Je trouve que mon exposition actuelle se rapproche de ma vérité, du vrai en général. » Elle le confirme… c’est le début d’une recherche qui se poursuivra. Elle a encore tant à découvrir, à observer, à étudier, à comparer et à expérimenter chez celles qui sont maintenant devenues de précieuses alliées.
