LISE MILLETTE

Récemment, le devoir m’a conduit jusqu’à La Morandière-Rochebaucourt, qui marquera en janvier 2025 les deux ans de son fusionnement en Abitibi.

Abel-Étienne La Morandière était capitaine et investi dans l’armée de Montcalm. Il semble que, dans les récits historiques, on ait perdu toute trace du prénom de l’aide de camp du célèbre général. Il est connu simplement par son nom de famille de la Rochebaucourt. Au fil du temps, certains détails s’évanouissent.

Je ne m’étais encore jamais aventurée dans cette partie de la région où se dressent des plantations de saules et où, dans les vallons, on peut avoir un point de vue sur l’horizon. Au coucher du soleil, c’est un spectacle d’une grande beauté.

Cette excursion dans les terres m’a permis de réaliser le chemin parcouru, le labeur des colonisateurs du pays neuf. Le développement du territoire est fascinant en soi, et pouvoir l’observer à travers une ligne du temps qui a à peine un peu plus de 100 ans est un privilège. Dans ces plans de promesses à bâtir, il y a lieu de s’interroger sur le sort de l’occupation de ce territoire, mais aussi de nos rapports avec les gens qui s’y établissent et qui choisissent d’y rester.

Le solde migratoire de l’Abitibi-Témiscamingue 2022-2023, dont les données ont été publiées en juin 2024 par l’Institut de la statistique du Québec, s’écrit à l’encre rouge. Le nombre de personnes ayant quitté la région est plus important que le sont les nouveaux résidents, et ce, pour différentes raisons. À l’exception de quelques rares gains, cette tendance perdure depuis le début des années 2000.

Et pourtant, notre région a tant à offrir, à commencer par l’occasion de bien vivre l’époque dans laquelle on se trouve.

CONNAISSEZ-VOUS LA NAUPATHIE?

J’ignorais ce mot, naupathie, qui est le terme, disons médical, pour parler du mal de mer.

Revenons aux bases biologiques. La naupathie survient lorsque s’exerce une forme d’incohérence entre ce que l’on voit et ce que l’on perçoit. En mer, l’oreille interne perçoit le mouvement du bateau, ce qui perturbe le centre de l’équilibre et génère un sentiment de vertige et des nausées.

Il s’agit ni plus ni moins d’une perturbation, quelque chose qui, dans le cerveau, ne fonctionne pas. Les mécanismes du corps, refusant cette confusion, entraînent divers malaises : étourdissements, nausées. Notre corps refuse de composer avec des signaux et des éléments contradictoires. Le phénomène peut survenir en mer, sur différents types d’embarcations et dans une variété de lieux de navigation.

Et si la naupathie pouvait aussi exister sur la terre ferme, sous forme d’allégorie, lorsqu’il faut manœuvrer sa barque en eaux troubles, dans une époque tumultueuse, avec, sur le radar atmosphérique, un avis d’ondes de tempête? Rien n’est sûr. Un bulletin météo est composé de différentes variables qui évoluent en système, sous des conditions en développement. C’est la mathématique du temps, des statistiques, des probabilités, qui s’avèrent ou non.

Cette mécanique du temps, cette onde de tempête, décuplée en autant d’êtres humains, dans un système – disons politique plutôt que météorologique – peut s’avérer tout aussi imprécisément prédictible. Le refus de perception, causé par l’incohérence entre ce qui se passe et ce que l’on espérait ou croyait se dessiner, peut générer un certain « mal du temps présent », une lecture anxiogène des possibles, un vertige pour certaines personnes.

Il existe diverses stratégies pour lutter contre la naupathie ou le mal de mer. La première consiste à éviter de regarder la mer afin de ne pas renforcer cette perception d’une incohérence entre ce que l’on voit et ce qui est ressenti à l’intérieur. Si possible, visez un point fixe, une bande de terre, trouvez un point d’ancrage.

Au loin, loin devant. L’arrivée d’une nouvelle année. Une occasion de rebondir, de se fixer de nouveaux objectifs, d’anticiper positivement ce qui vient.

Autre astuce : visez l’horizon.

Ça tombe bien, ici, l’horizon est vaste à souhait.



Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.