Le vent et les pluies d’automne ont déferlé. Une à une, les tiges se détachent et les feuilles tombent en vrille, ballet muet, danse silencieuse sans trajectoire définie. Poussées par le vent ou abattues au sol par la pluie, elles ne feront aucun bruit avant de toucher le sol. 

Puis, sous les brins d’herbe qui frémissent, un petit crac se produit. La chute est silencieuse, aussi lente et tourbillonnante soit-elle. C’est toujours l’impact qui génère du bruit. Vrai pour les feuilles comme pour le reste. 

Les arbres nus annoncent l’hiver… ainsi que la chasse au gros gibier qui s’est terminée dans les plis d’octobre, heureuse pour certaines et certains. 

Les coloris d’ambre ont pris le dessus dans nos paysages. Des tons d’orange brûlé, de brun et de jaune se sont imposés. C’est dans les forêts d’automne qu’on mesure un peu le temps qui passe et c’est au matin que l’on retrouve le lit défait du gel de la nuit, qui laisse ses couvertures s’évanouir dans les rayons du matin. 

J’aime l’automne et sa poésie. Ses parfums trempés, son temps frais. Quand tout éclate partout dans le monde, j’aime pouvoir marcher en automne et oublier, pendant un instant. Cette saison nous ramène aussi la promesse d’une pause tranquille. Pas qu’il n’y ait rien à faire l’hiver, mais le rythme est différent et offre la promesse d’un peu de repos dans un tumulte parfois trop important. 

Et pourtant, comme les temps sont durs pour les poètes. 

Quant aux feuilles fauves perle une larme de nuage, que dans notre ciel gris, les nuages ne sont pas que de passage, que dans le ciel de nos nuits, les étoiles sont fanées et n’arrivent plus à briller sous la voûte, il y a lieu d’avoir le cœur en automne, aussi. 

Quand les jours se succèdent sans la moindre parcelle de soleil, pas même un rayon, quand nos pas mouillés font valser les flaques, quand, dans les miroirs des trottoirs ou de l’asphalte, les sourires sont disparus pour laisser la place à des visages crispés par l’humidité froide, il y a lieu de trouver les promenades monotones. 

Quand le poids des jours est aussi lourd que celui de certains mots, quand les espoirs de paix s’amenuisent dans les rameaux de la loi du talion, quand la fin semble si loin qu’on peut se demander s’il sera possible de la voir un jour, il y a lieu de trouver l’avenir dur à porter. 

Et pourtant… au même moment, au-dessus du couvert nuageux, le soleil brille, invariablement, comme toujours, sur son axe. C’est notre rotation à nous qui déraille, nos axes à nous qui s’embrasent. 

« À l’échelle astronomique, la lumière progresse à pas de tortue. Les nouvelles qu’elle nous apporte ne sont plus fraîches du tout! », écrivait Hubert Reeves, parti lui-même rejoindre ces étoiles. 

Peut-être que, d’ici quelques années, il reviendra nous hanter – positivement – de ses lumières et qu’elles sauront trouver écho à un peu plus d’humanité, ici-bas. 


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.