Si John Cage a dit « Everything we do is music » [« Tout ce que nous faisons est musique »], on pourrait le paraphraser pour Dominic Lafontaine de la façon suivante : « Everything he does is art » [« Tout ce qu’il fait est art »]. Inspiré et libre, il aime remettre en question l’art, déconstruire la création, faire fi des frontières entre les disciplines artistiques et voguer entre les genres. Il flirte avec l’intelligence artificielle, manie la caméra, le crayon et la souris, mélange héritage traditionnel et technologie. Il propose assurément un art autochtone en pleine conscience de son époque.

Selon ce qu’on en apprend sur le site Web de Minwashin, Dominic se décrit comme un « Frenglish, à moitié québécois, à moitié indien et franco-ontarien. Il y a tous ces mondes-là et je suis au milieu. Je cherche à voir l’humanité entre tous ces groupes culturels, identitaires et nationaux pour aller au-delà par l’humour ». L’humour est en effet un leitmotiv dans l’œuvre de Lafontaine. On sent qu’il s’amuse et joue en créant, à la jonction de l’ironie, de la réflexion et du plaisir.

Dominic Lafontaine. Photographe : Marie-Raphaëlle LeBlond.

Pour l’artiste multidisciplinaire, l’année 2023 a été bien remplie, avec plusieurs résidences artistiques, entre autres à Barcelone, et un calendrier d’expositions impressionnant. On peut notamment penser à La ville de Tolédère aime ses enfants, présentée à l’Écart de Rouyn-Noranda et mettant en scène une ville fictive de l’Abitibi-Témiscamingue dans l’univers virtuel. On ne peut passer sous silence Morrifaux, où Dominic Lafontaine a généré des œuvres, de connivence avec l’intelligence artificielle, librement inspirées de l’artiste anishinabe Norval Morriseau. L’exposition a d’abord été dévoilée au Centre d’exposition de Val-d’Or puis a voyagé jusqu’à Montréal, au Festival Art Souterrain, en mars dernier. L’œil attentif remarquera des créations de Lafontaine ici et là sur le territoire, par exemple au centre hospitalier de Témiscaming-Kipawa ou à l’aéroport de Val-d’Or. Même le Conseil des arts du Canada a fait l’acquisition de l’une de ses œuvres. En parallèle à la vie artistique, Dominic trouve le temps de s’impliquer. Il fait partie du jury de Conseil des arts du Canada et de celui du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) en plus de participer au comité de sélection de l’Écart et du Rift.

Avec cette feuille de route, pas étonnant que le CALQ et le Conseil de la culture de l’Abitibi-Témiscamingue lui aient octroyé le prix Artiste de l’année 2023 en Abitibi-Témiscamingue en janvier dernier. Le rythme déferlant se poursuit d’ailleurs en 2024. En janvier, le centre d’art autochtone Daphne à Montréal exposait Wanna Trade Belts? où le wampum s’entremêle à la technologie. « Qu’est-ce qui arrive quand l’ordinateur décide de créer le wampum? Finalement, c’est beau! Je vois ça comme un retour vers un formalisme à travers l’intelligence artificielle », explique Dominic. Son rapport avec l’intelligence artificielle, l’avenir de l’art et la culture autochtone éveille incontestablement la curiosité. À tel point que la Vie des arts lui a demandé un article sur le sujet dans son numéro de l’hiver 2024. « Ça m’a donné l’occasion d’être un essayiste émergent autochtone! », déclare-t-il, un sourire dans la voix.

L’œuvre achetée par le Conseil des arts du Canada, gracieuseté de l’artiste.

Pour le reste de l’année, Dominic Lafontaine réussira à être présent, autant du côté ontarien, à North Bay et Sudbury, qu’en Abitibi-Témiscamingue. En juin, Val-d’Or l’accueillera avec un autre artiste autochtone, Kevin Lee Burton. La masculinité autochtone, dans un angle humoristique, y sera explorée. À l’automne, c’est en résidence avec Marie-Hélène Massy Émond qu’il se retrouvera à Témiscaming pour explorer l’art sonore. « Je suis booké jusqu’en janvier 2025. On peut dire que je suis artiste à temps plein, avec toute la paperasse que ça implique! »


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