Je me suis fait souvent raconter par ma mère un souvenir dont les racines plongent dans le printemps de son existence.
Il s’agit du plaisir qu’elle avait, étant enfant, de croquer dans un sandwich aux radis. Deux tranches de pain de ménage, du beurre et des radis! Ces légumes, les premiers à être prêts à manger, lui annonçaient et lui annoncent toujours le véritable début de l’été. Elle en mange encore avec autant de plaisir lorsqu’on lui offre nos premières récoltes. Viennent ensuite toutes ces plantes potagères, à commencer par les épinards puis les salades, qui accompagnent, tout au long des mois chauds et bien après, nos repas. Il suffit de prendre soin du jardin, mais aussi, et c’est une évidence toute simple, que le climat estival s’y prête.
Quand j’étais enfant, mes tantes m’amenaient aux cueillettes dès que les fruits murissaient. C’est ainsi qu’à genoux dans le foin, je tachais mes pantalons en écrasant les fraises des champs. Cela n’allait pas gâcher le goût des tartes de ma grand-mère Jeanne. Ça ne gâche jamais rien de se salir. Jamais.
Les framboises viennent après, puis les bleuets et les amélanches. Autant de cadeaux qu’il faut ramasser patiemment, en surveillant les guêpes, le soleil ou les orages. On les mêlera aux tartes, bien certainement, mais aussi aux pains, muffins, confitures, crêpes et tous ces desserts que je ne connais pas encore. Autant de mets qu’on préparera nous-mêmes avec cette manne qui pousse ici, plus nourrissante que l’or.
On pourra aussi les congeler parce qu’on peut s’offrir cela maintenant. Chez ma mère, à Val-Paradis, il n’y avait pas l’électricité à l’époque. Il m’arrive de me demander s’il n’y en a pas trop maintenant.
L’automne, saison des noisettes et des champignons, advient à la fin de ce cycle nourricier. C’est juste miraculeux, lorsqu’on s’arrête pour prendre le temps d’y songer, ce que la terre, l’eau, le soleil et l’air peuvent nous offrir. Les paroles des cueilleuses et cueilleurs, les cris des enfants se mêlent au geste méditatif, plusieurs fois millénaire, de cueillir. Puis, le souffle des oiseaux dans le chant du vent tombe dans mon panier percé de mémoire pour y semer je ne sais pas quoi encore.
Je ne connais pas, comme c’est là, tout ce qui pourrait être cultivé dans un petit potager ni les meilleures méthodes pour y parvenir. Il n’y a pas avec moi, le savoir des anciens capables de m’indiquer comment me nourrir, l’année durant à même notre jardin. Il est toutefois certain que nous en dépendons complètement.
En nous souhaitant le plus de temps possible pour se recueillir devant ces simples merveilles.