Début mai, nous sommes agglutinés autour de notre premier feu de camp. C’est froid, oui un peu, mais les oiseaux et les grenouilles ont quand même amorcé leur symphonie estivale. Être ensemble, autour d’un feu, juste être ensemble avec cette musique qui fond sur l’hiver. Les flammes avivent les échanges qui crépitent comme le bois sec.

Nos paroles caressent ce rare moment de communion, éclairé par une lune en devenir. Tout coule sans peine jusqu’à ce qu’une des personnes présentes affirme, avec force conviction, que la Terre est plate. Les autres participants se taisent alors pendant quelques très longues secondes tandis que le feu couvre le silence. Saisissant l’inconfort provoqué par sa déclaration, l’individu, à la source de celle-ci, explique que cette découverte a été faite grâce à un questionnaire internet. Il ajoute, pour convaincre son auditoire interloqué, qu’on ne cesse de nous mentir sur tout. Par précaution, le groupe tâche de s’éloigner du sujet afin d’éviter, collectivement, de tomber dans le vide une fois à bout d’arguments.

À la base de cette profession de foi sur la platitude de notre planète, les réseaux sociaux et internet siègent au banc des accusés. Comme n’importe quel outil, ils peuvent bien ou mal servir. Un marteau peut aider à planter un clou autant qu’être utilisé comme arme. Ainsi, c’est là où je veux en venir, l’information, quelle que soit sa forme, a besoin d’être comparée, vérifiée et interrogée.

Car ce qui ressemble à une nouvelle fiable est parfois organisé pour atteindre un autre but que le bien commun. Je pense ici à une entreprise ou un gouvernement qui, désirant contrôler le message, engage des experts en communication et en stratégie de vente afin de faire « passer » un projet. Ça pourrait être un gazoduc, une mine près d’un esker, par exemple. Ici, j’invente, car l’actualité ne me fournit pas d’histoires du genre, mais j’imagine que vous comprenez de quoi je cause. Personnellement, j’appelle ça des affaires plates!

Dans la même veine, il peut y avoir des rencontres de gens haut placés pour bâtir une stratégie capable de bien « transmettre » une réalité inacceptable au public. Comment, et là, j’invente encore, expliquer qu’on expose une population à des rejets toxiques dépassant les normes pendant plus de quinze ans? Comment rendre crédibles les raisons qui font que le problème n’a pas été réglé après quinze ans?

Certains diront qu’il est normal d’investir pour faire avancer un point de vue, surtout si on a l’argent pour le faire. D’accord! Alors, je nous invite à écouter et à comprendre les personnes qui, sans avoir les moyens financiers ni les entrées politiques d’une grosse compagnie, proposent un autre point de vue. Des citoyens, femmes et hommes, qui ne prétendent pas avoir la vérité, mais veulent faire entendre leurs voix et trouver des réponses à leurs questions.

Juste leur prêter l’oreille aiderait, je pense, à faire tourner notre monde plus rondement.


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