Au printemps 2022, Alexandre Castonguay s’implique dans la cellule artistique du festival du Jamais Lu, une tribune où l’on teste des textes en chantier devant public. Il découvre alors la plume de Michel-Maxime Legault, qui y présente Michelin, sorte de récit de réconciliation avec un passé familial agricole. Castonguay est frappé par les liens que l’on peut établir avec des réalités rurales de l’Abitibi-Témiscamingue. Parallèlement, l’artiste témiscabitibien apprend que sa candidature est retenue au Théâtre du Tandem. En tant que directeur artistique, il désire décloisonner le théâtre, l’amener en périphérie. Il croit à l’occupation artistique du territoire. Michelin semble tout désigné pour s’inscrire dans cette vision. Les événements s’enchaînent et conduisent Alexandre Castonguay à Moffet, pour y rencontrer le maire, Alexandre Binette. Ils font connaissance autour de croissants du St-Honoré et en quatre roues à la chasse à la perdrix. Ils échangent sur le développement régional, l’occupation du territoire, leur vie respective et, bien sûr, le projet théâtral. La flamme qui les allume brille des mêmes éclats.
M. Binette présente l’idée à son conseil. « Des gens veulent venir chez nous pour s’inspirer de nous. Ils veulent rencontrer nos agriculteurs, qu’on puisse contribuer [au projet] et [le] bonifier. » La municipalité décide de surcroît de s’engager financièrement. « Notre rôle, c’est notamment pour la qualité de vie, faire en sorte que ce soit agréable de vivre dans un endroit. Une municipalité a les moyens d’intervenir dans ces choses-là. Si ce n’est pas la municipalité qui le fait, qui le fera? », insiste le maire.
Une autre phase s’entame. Michel-Maxime Legault débarque en Abitibi-Témiscamingue avec ses acolytes de création à la rencontre d’agricultrices et agriculteurs. En plus de Moffet, ils se rendent dans les villages de Cloutier, Lamothe, Ste-Germaine-Boulé et St-Edmond de Vassan. Des extraits du texte leur sont présentés, l’équipe s’imprègne des lieux; c’est l’expérience du territoire dans sa plus pure expression. Voilà pour l’auteur une façon d’aller valider ses écrits auprès du milieu qu’il dépeint : « Vingt ans plus tard, est-ce que ce sont les mêmes réalités? Est-ce que tel truc est un inside de théâtre ou ça rejoint tout le monde? Comprend-on les liens? Est-ce universel? » Ce processus créatif vient assurément ajouter un soupçon d’âme de l’Abitibi-Témiscamingue. « Ce voyage en gang, à onze, dans les fermes de chez nous, ça a un impact. La contribution reste intangible. C’est dans l’ambiance, les textures, les matériaux, la forme du décor, les images », souligne le dramaturge Alexandre Castonguay.
Mise en scène par Marie-Thérèse Fortin, cette coproduction du Tandem avec le Théâtre de la Marée Haute, le Théâtre du Trident et le Grand Théâtre de Québec est présentée en première à Moffet le 6 mars. S’ensuivront des représentations au Théâtre du Rift de Ville-Marie les 13 et 14 mars. Michelin passera ensuite par Québec en avril avant de revenir dans huit municipalités abitibiennes. « La première devait se dérouler dans un endroit où il y a peut-être plus de vaches que d’habitants! La tournée est d’ailleurs à l’image de mon parcours de vie : on commence dans un village, ensuite Québec, puis on termine à Montréal l’automne prochain. » La pièce est ainsi offerte sous deux formes différentes, en salle conventionnelle et adaptée pour recevoir des productions ou dans un environnement communautaire, ce qui rejoint la vision d’Alexandre Castonguay d’aller connecter avec le monde, en dehors des centres. « Le théâtre, c’est un prétexte à la rencontre. La pièce est un stimulateur de paroles. Tout le monde a envie de raconter ses souvenirs ensuite. J’ai hâte de voir les deux contextes de salle. »
Michelin connaît par ailleurs un rayonnement littéraire alors qu’il paraît aux Éditions du Quartz. Il s’agit donc d’un autre créneau pour explorer l’œuvre de Michel-Maxime Legault sous la forme d’un roman qui entremêle récit, théâtre, poésie et monologue.