En quatre déclinaisons, le photographe Christian Leduc présente jusqu’au 23 mai, au MA, Musée d’art de Rouyn-Noranda, une forme de rétrospective en images des vingt dernières années. Vu d’eau, Le nombril du monde, Identité et Siècle sont les quatre projets retenus par Christian Leduc pour cette exposition. Les portraits sont projetés au mur en grand format ou réunis dans une murale de près de six mètres de haut, pour Identité.
« Le grand nombre de clichés impose une mise en exposition singulière : projection aléatoire ou ordonnée des photographies et fresque vibrante de photographies imprimées », indique Jean-Jacques Lachapelle, directeur général du MA.
En entrant dans la salle d’exposition, outre l’imposante murale, on aperçoit les photos réunissant des Rouynorandiennes et Rouynorandiens par année de naissance décroissante, de 100 ans à bébé naissant… D’ailleurs, les derniers « modèles » ont vu le jour en décembre 2019.
« Ce n’est pas tant le nombre de photos qui me rend heureux que d’avoir pu réaliser le projet comme je le voulais. C’est une démarche que j’avais sous-estimée. Tous les jours, je faisais des démarches pour trouver une personne de chaque année, prendre des rendez-vous, me déplacer pour aller prendre la photo et garder les traces de tout ça. J’avais sous-estimé l’ampleur », reconnaît-il.
Christian Leduc présente une fraction de ses projets artistiques. D’autres sont déjà en gestation et cette exposition ne révèle pas non plus les nombreuses collaborations qu’il cumule à ce jour ni les idées qui ont pu traverser l’esprit de celui qui a commencé l’expérimentation photographique à l’âge de dix ans!
CAPTER LE MOMENT
Premier projet exposé à l’Écart, Vu d’eau était à l’origine sur diapositives. Les séances de photos avaient été organisées sous le prétexte d’un recensement. « Je disais que je voulais prendre en photo le plus de gens possible de Rouyn-Noranda. Je discutais avec les personnes, avec un acolyte caché, et lorsque je posais une certaine question, il leur versait de l’eau sur la tête et je prenais une photo, une seule, de leur réaction », explique Christian Leduc.
L’idée était de surprendre et de saisir la réaction instantanée et sans filtre. Il précise qu’il demandait aux volontaires de prévoir un vêtement de rechange. Un autre subterfuge, sans doute, pour éviter toute forme de représailles. « J’ai été chanceux… je ne me suis pas fait casser la gueule. Je n’avais pas forcément mesuré qui viendrait. Je pensais que ce ne serait que des amis et puis au fur et à mesure, des gens que je ne connaissais pas sont venus », dit-il avec candeur.
Il explique que derrière cette surprise, il portait une démarche bien précise. « Ce que j’essayais de créer, c’était de photographier l’instant pendant lequel la personne ne contrôle pas sa réaction et son image. Certains réagissent fortement, d’autres trouvent ça drôle. »
ZOOM SUR LE NOMBRIL
Autre projet, Le nombril du monde, a été réalisé en2004. « Celui-là, je l’appelle des portraits sans visage, mais aussi révélateurs que dans le projet Identité. Le nombril, c’est l’égocentrisme, mais ici on ne voit, par le cadrage, que les mains, la taille, une partie de vêtements, mais on peut tout de même avoir une idée ou certains repères sur qui est la personne ». Pour Christian Leduc, après tout, « un nombril, c’est aussi différent qu’une empreinte digitale! »
Ainsi, parcourir l’exposition Siècle de Christian Leduc, c’est observer l’intimité et l’authenticité de centaines de modèles, principalement des gens d’ici qui, à travers le temps, les années ou leur nombril, ont accepté, à un certain moment, d’être captés sur pellicule par un photographe qui propose un regard sur une fraction de l’espace-temps.