Au moment d’écrire ces lignes, il faisait chaud, voire très chaud. Le climat de l’Abitibi-Témiscamingue se prenait pour celui du Mexique, transformant le coeur de notre forêt boréale en zone tropicale pour un bref instant. Quel changement après les rudes mois d’hiver remplis d’engelures, de déneigements d’entrée et de tout un lot de plaisirs nordiques.

Avant même l’arrivée des bourgeons et des premières fleurs pousse un autre signe évident de la venue de la saison chaude, soit l’apparition de nombreuses terrasses. L’équation est fort simple :
quand se pointent les chauds rayons du soleil printanier
sortent les quidams en quête de breuvages froids et d’âmes avec qui socialiser.

Pas que des débits de boissons
Si ce sont souvent les terrasses et les boissons alcoolisées qui attirent les gens, il ne faut pas négliger l’attrait des événements culturels qui sont présentés dans ces établissements. Car un des signes que notre culture est dynamique et rassembleuse, c’est que la région compte de nombreux petits lieux de diffusion qui jouent un grand rôle dans l’offre culturelle. On peut en effet y découvrir des artistes un peu marginaux qui n’ont pas accès aux salles institutionnelles, ou y assister à des événements « underground ». Plus encore, c’est souvent là que les artistes de la région peuvent se faire les dents et trouver un lieu pour exprimer leur talent devant un public réceptif et curieux.

À peu près chaque secteur compte sur de tels endroits. D’abord le Cabaret de la dernière chance à Rouyn-Noranda, archétype du genre et référence panquébécoise, mais aussi le Trèfle noir, et tous ces bars qui résonnent pendant le Festival de musique émergente. À Amos, il y a l’Ad Hoc, siège de l’improvisation depuis 7 ans et hôte de spectacles variés. En Abitibi-Ouest, difficile de passer à côté de la Maîtresse, dont la programmation d’événements n’a rien à envier à celle d’établissements comparables des grands centres, sans oublier le café des Rumeurs de Galichan, belle illustration de la forme que peut prendre ce concept de salle alternative en milieu rural. Jusqu’à tout récemment, au Témiscamingue, c’était à l’Entracte, chez Eugène et à la Brassette 101 que des petits miracles artistiques pouvaient se produire. Et dans la Vallée-de-l’Or, Senneterre a son Café jeunesse, et il ne reste guère plus que l’Entracte et le Dundee à Val-d’Or depuis que le Rafiot a fermé ses portes, il y a maintenant un an et demi, quoique le Café Baltazar semble vouloir avoir lui aussi sa part du gâteau.

Des soirées magiques
Nombreuses sont les expériences mémorables que j’ai vécues dans les divers petits lieux de diffusion (i.e. bars) de la région, dont plusieurs trônent même dans les premières places du palmarès des meilleurs spectacles auxquels j’ai assisté. Je pense entre autres à un spectacle de Dumas en solo au Cabaret, jouant allègrement avec ses pédales à effets et incluant un suave « Je t’aime Morasse » glané à une spectatrice dans la chanson Arizona. Ou encore à une inconnue du nom de Pascale Picard qui, quelques années avant que la popularité ne la happe, avait fait salle plus que comble au Rafiot – allez, on peut le dire maintenant que c’est fermé, les pompiers n’auraient pas été contents… Toujours au Rafiot, Yann Perreau et son band rejoignant un tout jeune Dylan Perron et ses acolytes sur scène pour une version endiablée de L.A. Woman des Doors qui avait jeté la frénésie chez chacun des chanceux présents… Des soirées qui n’en finissent plus de ne pas finir, pour notre plus grand bonheur.

Petits tremplins
Mais là où ces salles jouent un rôle primordial pour la vitalité culturelle de la région, c’est qu’elles représentent un important terrain de jeu pour les artistes de la région.Car malheureusement, on dirait que les salles de spectacles institutionnelles ne sont pas faites pour les accueillir, ce qui rend nécessaire l’existence de lieux alternatifs de diffusion. C’est bien souvent dans les bars qu’on lance des albums et qu’on fait ses premiers spectacles, parfois même en première partie d’artistes plus connus. C’est également dans des bars que beaucoup d’artistes en arts visuels exposent pour la première fois en solo. C’est là que l’improvisation a pris son envol en région (même à Rouyn-Noranda, à la défunte Post-Moderne), et là qu’elle se joue toujours à Val-d’Or et Amos. Sans les bars, où pourraient éclore les passions et se bonifier les talents? Les salles de Chevaliers de Colomb? Les gymna- ses d’écoles primaires? Avouons que ça manquerait un peu de charme! 

 

Les organisateurs de festivals ont compris le rôle que peuvent jouer les bars à spectacles : nombreux sont-ils à présenter un volet dans des bars, ce qui leur permet de rejoindre un autre type de public, d’offrir une plus grande variété dans leur programmation, et donc d’oser proposer de la nouveauté, si nécessaire pour oxygéner nos goûts!

Alors, espérons un peu qu’il ne fera pas trop chaud cet été ; ainsi il sera moins difficile de délaisser les terrasses au profit des multiples petits lieux de spectacles de la région… Et s’il fait vraiment chaud, au moins il restera les salles – climatisées – d’exposition et de cinéma pour nous rafraîchir.


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