C’est ma dernière chronique. Plutôt que de parler de mon village, je vais le vivre cet hiver. Je vais jouer du coude pour entrer chez les Fermières. J’ai le goût de savoir comment faire des linges à vaisselle. Je ne sais même pas tricoter. Pas pratique quand tu n’as pas la T.V. Puis, je n’ai toujours pas résolu mon problème; je passe devant chez madame St-Louis sans m’y arrêter. Mea maxima culpa. C’est tout un art, le voisinage.
Tout un art aussi celui de s’impliquer dans son village. Moyenne d’âge des bénévoles qui pète les 55 ans, intérêts et visions qui vont dans le même sens. Les vieux ont tout le temps et le loisir de leurs implications. Pour eux, c’est par là que passe la vie sociale, la reconnaissance et le restez jeunes, soyez actifs! Avec le boulot à temps plein, les enfants en bas âge, les courses, les amis et du temps pour le couple, comment voulez-vous qu’en plus, on fasse des couronnes de Noël pour la vente d’artisanat ?
On s’installe dans un village aussi confiant de notre démarche que Jean de Florette l’était dans la sienne. Le quotidien nous rattrape, aussi vite que Noël en novembre. On entre dans l’engrenage du villageois poche : pas de disponibilité pour les réunions de comités, activités qui ne nous intéressent pas. Puis quand nous vient l’envie de socialiser, on trouve dommage qu’il ne se passe rien au village. On se retourne vers la ville la plus proche, on va écouter le hockey, l’impro, ou bien un show de cover. Au village, une fois l’activité terminée, t’en as pour un petit bout avant que quelque chose se passe à nouveau. Normal, quand ceux qui s’impliquent sont ceux qui participent.
Nous, jeunes rats des villes, avons l’habitude du rapide et du sur mesure. L’habitude de se satisfaire dans l’immédiat. Ici, il faudrait adapter sa demande sur l’offre et non l’inverse. Facile à dire. Parlons-en de l’offre : est-ce qu’on a vraiment le goût de mettre ses tripes dans les projets de notre village ? D’abord, est-ce qu’on se sent dans notre village ? Ça turn un peu plus on d’être bénévole au FME que dans une vente de hot-dogs au profit de la Fabrique, non ? La fratrie, on la sent au show de Fred Fortin bien plus qu’au souper spaghetti du comité jeunesse.
La solution est peut-être simple. Il faut choisir ses combats et, donc, laisser celui de la dynamisation des petites localités aux plus vieux et s’investir dans son milieu une fois passé 45 ans. On pourrait aussi faire des villages pour personnes âgées et des villes pour jeunes. Ça serait pas mal, des villages de retraite. Souper servi au sous-sol de l’église à 16 h 30. Au cœur du village, l’école primaire, qui devient le CHSLD; la classe de math, le pavillon d’Alzheimer. Il y a peut-être des écoles qui voudraient tester ce concept au Témis ?
Ce serait mieux ou pire, je ne sais pas. Mais chose certaine, cette solution ne nous convient pas, humains grégaires et utopistes. Cette solution ne me convient pas, villageoise peureuse et utopiste. Oui, je suis une peureuse. Une peureuse bien trop heureuse pour aller au-delà de sa peur. La peur que ça devienne plate. C’est la même peur qui me tenaille quand je pense au prix du litre de lait (12 $ aller-retour) si le dépanneur venait qu’à fermer. Peur de dormir au gaz. Peur de la mort, qui est toujours imminente, pendant que la vie, elle, est toujours précaire.
Vous êtes allés au Festival Harricana de Vassan ? Non ? C’est pas grave, vous vous reprendrez l’année prochaine. C’est organisé par une méchante gang de peureux.