RAYMOND JEAN-BAPTISTE 

Sous l’impulsion de la Grande mobilisation pour les arts au Québec (GMAQ) a eu lieu, le 20 septembre dernier, une journée de réflexion sur le filet social des artistes et travailleurs culturels du Québec. Organisée simultanément dans plusieurs régions du Québec, en format hybride alors que des présentations en ligne et des ateliers de discussion en présentiel dans différentes villes étaient connectés en temps réel, cette journée de réflexion a permis aux chercheurs, responsables sectoriels et acteurs du milieu de mettre en lumière une réalité souvent méconnue : derrière la vitalité culturelle se cache une précarité structurelle. 

Photographe : Patricia Bédard

LA PRÉCARITÉ DERRIÈRE LA PASSION   

Si les artistes nous font rire, réfléchir, voyager et parfois même pleurer, la majorité tire des revenus instables. Pascale Landry de Compétence Culture souligne que « 62 % de ces professionnels ne bénéficient d’aucune assistance ». Selon Sonia Pelletier et Gilles Arteau du REPAIRE [Regroupement de pairs des arts indépendants de recherche et d’expérimentation] : « Le revenu moyen d’un artiste est de 34 000 $, un chiffre nettement inférieur au seuil jugé viable de 51 000 $ ». De plus, « 59 % ont un statut de travailleurs indépendants », confient les sociologues Martine D’Amours et Marie-Pier Boucher, ce qui les soumet à une double cotisation ou encore les exclut des protections offertes aux salariés. Certains naviguent d’un projet à l’autre pour payer leurs factures; d’autres abandonnent définitivement leur carrière, faute de moyens suffisants. 

Photographe : Patricia Bédard

DES SOLUTIONS SUR LA TABLE 

Les dispositifs actuels tels que les subventions publiques, les programmes sociaux, les regroupements professionnels et la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, du cinéma, du disque, de la littérature, des métiers d’art et de la scène (Loi S-32.1) ne parviennent pas à assurer une protection sociale suffisante aux artistes. Il existe des subventions des conseils des arts, des bourses de création et le soutien juridique, psychologique ou financier des regroupements professionnels, mais beaucoup d’artistes peinent à accéder aux programmes existant en raison des critères restrictifs ou de processus de sélection compétitifs.  

Face à cette réalité, les intervenants plaident en faveur d’un statut de l’artiste mieux adapté à la réalité contemporaine, d’un accès élargi à l’assurance-emploi et de l’instauration d’un régime de retraite adapté. Compétence Culture inclut dans son plan d’action une protection sociale complète pour les artistes afin de garantir un secteur culturel viable, juste et équitable. REPAIRE propose un programme provincial de bourses de subvention pluriannuelle et renouvelable, car selon l’organisme, l’art n’est pas un luxe, mais un travail. Martine D’Amours conseille d’explorer les modèles inspirants qui existent en Europe ou aux États-Unis. Il s’agit de propositions qui appellent à la solidarité collective pour renforcer la protection et le bien-être des artistes. 

Photographe : Patricia Bédard

Coordonnée à Rouyn-Noranda par le Conseil de la culture de l’Abitibi-Témiscamingue, l’activité de codéveloppement qui s’est tenue au Petit Théâtre du Vieux Noranda a été un espace d’échange et de réflexion pour jeter les bases d’un filet social adapté aux réalités du milieu culturel. Les participants sont conscients que derrière les rideaux et les expositions, il y a une réalité précaire qui appelle à l’urgence. Les artistes font un travail essentiel pour la collectivité et méritent une protection sociale digne de ce nom, car si la création artistique nourrit l’identité collective, elle doit aussi garantir la dignité des personnes qui la portent.  


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