Dans un exercice documentaire fouillé, les travailleuses culturelles Madeleine Perron et Carmelle Adam ont retracé le parcours des femmes dans les arts et la culture en Abitibi-Témiscamingue. 

À l’origine, elles souhaitaient actualiser les données du colloque Femmes en tête, qui s’était tenu à Amos en octobre 1989, où la « créativité » avait été évoquée de manière transversale, tant dans les domaines professionnels, sociaux, les responsabilités des femmes ou leurs besoins. Cependant, la sphère culturelle était alors complètement absente. 

« La voie à la professionnalisation des femmes en culture s’est effectuée par la pratique du loisir culturel. Selon l’historien et sociologue Fernand Harvey, les femmes du Québec, avant 1960, avaient recours aux loisirs culturels pour pratiquer une discipline artistique, afin de respecter leur rôle traditionnel de l’époque. Au départ, l’organisation culturelle est largement portée par l’implication bénévole et principalement par des femmes. C’est à partir des années 1960 que les femmes se professionnalisent et font carrière dans le domaine culturel, et ce, peu importe leur [état] civil », soulignent les auteures Carmelle Adam et Madeleine Perron. 

MISE EN PLACE D’INSTITUTIONS 

Après la professionnalisation en culture, les organismes « structurants » commencent à voir le jour dans les années 1970, avec la création du Conseil de la culture de l’Abitibi-Témiscamingue (CCAT) et du Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue (SLAT). En 2023, deux femmes en sont les présidentes, Geneviève Béland (CCAT) et Ginette Vézina (SLAT). 

Au fil des ans, les événements culturels à portée régionale connaissent une considérable croissance, là encore avec de nombreuses femmes à l’avant-plan : Biennale Internationale d’Art Miniature (Joanne Poitras), Festival de musique émergente ou FME (Karine Berthiaume, Jenny Thibault), Festival de Blues Eldorado (Louiselle Blais), Festival de musique Trad Val-d’Or (Karine Roberge), Osisko en lumière (Vanessa Breton), Biennale d’art performatif de Rouyn-Noranda (Geneviève Crépeau). « La collaboration ou la cogestion sont des modèles de gestion fréquents dans le secteur de l’événementiel en Abitibi-Témiscamingue. Ceci s’inscrit dans une vision spécifique à la région, soit celle d’une culture de proximité, de démocratie et d’accessibilité », peut-on lire dans l’analyse.  

Carmelle Adam et Madeleine Perron précisent aussi qu’« entre 1940 et 1968, la création artistique à l’intérieur des communautés religieuses connaîtra un essor considérable en Abitibi-Témiscamingue, dont celle de l’enseignante et religieuse de la congrégation des Sœurs de l’Assomption, Jacqueline Plante, celle-là même qui s’est constitué une collection de 2 500 œuvres d’art et qui cofonda avec Louis Brien l’atelier de gravure Les Mille Feuilles ». 

Les femmes qui siègent aux conseils d’administration d’organismes culturels sont majoritairement bénévoles, alors que les postes de direction, rémunérés, sont très nombreux à être occupés par des femmes. C’est le cas des Éditions du Quartz (Marie Noëlle Blais), du Petit Théâtre du Vieux-Noranda (Rosalie Chartier-Lacombe), du Théâtre du Tandem (Marie-Ève Brisson), du Rift (Émilie B. Côté et Alexandra Vincent-Paquin), de L’Écart (Audrey Juteau), du Centre VOART de Val-d’Or (Carmelle Adam), du Centre d’art de La Sarre (Véronique Trudel), du Centre d’exposition d’Amos (Marianne Trudel), de la Corporation de la Maison Dumulon (qui comprend l’Église orthodoxe russe) (Audrey Desrochers), du Musée de la Gare (Marie-Pier Valiquette), des Promoteurs d’Angliers (Cathy Fraser). On pourrait également ajouter L’Indice bohémien (Valérie Martinez), le journal régional dont la création avait notamment pour mission de favoriser la professionnalisation des artistes de la région en permettant une couverture de la vitalité culturelle en Abitibi-Témiscamingue. 

En Abitibi-Témiscamingue, on dénombre 400 artistes, dont 62 % de femmes, œuvrant dans un contexte professionnel (données de 2021). 

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QUELQUES DATES… 

  • 1949 : Deux artistes anglophones de la Vallée-de-l’Or, Aileen Plaskett Duffy et Alleyne Coombes décident de se réunir et se doter d’un atelier commun 
  • Années 1950 : À Bourlamaque, Sara Doherty dirige la School of Dancing. 
  • 1965 : À l’âge de six ans, Diane Tell (Fortin) commence ses cours de violon au Conservatoire de musique de Val-d’Or. En 2022, elle reçoit la médaille de chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres de la France. 
  • 1970 : La chorégraphe Lynn Vaillancourt fonde l’École de danse PRELV à Rouyn-Noranda qu’elle dirige encore aujourd’hui. 
  • 1987 : Jeanne-Mance Delisle obtient le prix du Gouverneur général (1987) pour sa pièce de théâtre Un oiseau vivant dans la gueule. 
  • 2000 : Sonia del Rio (née Boisvenu) obtient le Prix Hélène-Baillargeon pour ses performances en danse flamenco. En 1998, elle a aussi l’honneur d’être décorée au nom de sa majesté le Roi Juan Carlos 1er lorsqu’elle reçoit la plus haute distinction espagnole accordée à une artiste étrangère pour l’ensemble de sa carrière (1998). 
  • 2012 : L’actrice, réalisatrice et scénariste Paule Baillargeon reçoit le prix Jutra-Hommage pour l’ensemble de sa carrière dans le domaine du cinéma québécois. 

Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.