DOMINIC RUEL

Libraire fait partie de ces métiers, il me semble, qui ne vendent que du bonheur. Peut-on vraiment être à cran et en vouloir à la terre entière quand on entre dans une librairie? La librairie, cette sorte de tabernacle, cette caverne d’Ali Baba sans les voleurs, ou presque (il n’y a tout de même encore qu’une seule taxe sur les livres, la fédérale). Un livre n’est pas un produit comme les autres et le vendre, j’imagine, ce n’est pas comme vendre des vêtements, des lunettes ou des outils, même si, bien sûr, le livre est un outil pour élever l’esprit.

Noémi Lafleur-Allard est propriétaire de La Galerie du livre, à Val-d’Or, depuis 2020. Je la rencontre un matin dans sa caverne. D’entrée de jeu, elle s’exclame : « Une librairie était pour moi un rêve inaccessible qui a soudainement été possible! Qui ne voudrait pas d’une librairie? J’ai toujours adoré la lecture, mais depuis que je suis à la librairie, j’ai l’impression de découvrir un univers tellement passionnant. J’adore ce que je fais, plus que ce que j’aurais imaginé! »

Un libraire est un passeur de mots, un transmetteur de culture, la courroie de transmission entre l’auteur et son livre et le lecteur. Noémi le dit autrement et voit son rôle assez joliment : facilitatrice de découvertes littéraires. Elle ne peut tout lire, ni tout connaître, ni tout conseiller. C’est pourquoi elle aime compter sur la richesse et la passion de son équipe, de grandes lectrices aux goûts différents, ce qui permet d’offrir et de conseiller des livres de tous les genres, de tous les styles.

Noémi aime recevoir les livres, ce qu’elle appelle « les trésors », les découvrir, les tenir dans ses mains. Elle adore aussi les discussions avec la clientèle fidèle et passionnée, ces personnes ouvertes et intéressantes, sur un livre aimé ou pas. Selon elle (c’est une idée sensée!), ces échanges poussent à la découverte de soi, comme lecteur (et comme personne aussi, j’imagine). « Lorsque je suis un peu fatiguée de la comptabilité et des tâches administratives, j’ouvre les boites de nouveautés, ou je vais fouiner en librairie et l’énergie me revient! »

Selon elle, pour être libraire, il faut être curieux et s’ouvrir aux livres, quels qu’ils soient. Jamais elle ne « snobera » un titre ou un auteur ou un format. Il faut être à l’écoute : « Tout est de la lecture, il n’y a pas de mauvaise lecture, et tu es un lecteur même si tu lis un livre dans l’année! Je crois qu’il y a un travail important d’inclure tous les types de lecteurs et de faire sentir à tous qu’ils sont les bienvenus en librairie. »

Noémi a des projets pour l’avenir de sa Galerie du livre. Elle voudrait un lieu plus grand, peut-être, avec de la place pour s’asseoir, pour y tenir différents événements. « J’aime beaucoup les échanges qu’amènent la culture, la littérature. J’ai envie de continuer à garder la librairie vivante et attrayante pour les familles et plus encore! », dit-elle. Elle souhaiterait évidemment rester au centre-ville.

Mais il y a toujours la menace, la même pour bien d’autres commerces : Internet et les grandes surfaces. Même si elle offre l’achat en ligne et les commandes de titres bien précis, la librairie indépendante rivalise difficilement avec sa concurrence. Elle ne peut offrir les mêmes quantités qu’un Walmart ou l’immonde Amazon! « C’est devenu “trop long” d’attendre une semaine pour recevoir un livre! » constate-t-elle. Malgré tout, « nous avons une clientèle merveilleuse qui comprend la valeur et l’importance de l’achat et des commerces locaux ». À l’approche des Fêtes, c’est à garder en tête.

Ian Manook, un écrivain, disait de bons mots sur Noémi et tant d’autres au Québec : « Les libraires sont des gens de passion et sont garants de notre survie intellectuelle, parce que chaque livre est une parcelle de notre liberté de penser ». Oui, un noble métier.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.