PHILIPPE MARQUIS
« À Springfield, ils mangent les chiens, ils mangent les chats. Ils mangent les animaux de compagnie des gens qui vivent là… et c’est ce qui arrive aux habitants de notre pays. » Ce sont les paroles du candidat républicain aux élections présidentielles des États-Unis. Elles ont été prononcées le 10 septembre dernier lors du débat l’opposant à Kamala Harris. Il a vraiment dit cela, parlant des immigrants haïtiens de cette ville de l’Ohio, devant quelque 67 millions de personnes. Et il vient d’être élu président par le peuple américain et… par les gens de Springfield.
Pour beaucoup d’entre nous, cette réalité a assombri le début de novembre bien plus que le déclin de l’ensoleillement. D’autres, y compris des Québécoises et Québécois, ont été éblouis par la lumière émanant du toupet du nouveau messie. La stupéfaction et la peur ont figé mon entourage et moi. C’est aussi le cas des étudiantes à qui j’ai le privilège d’enseigner.
Lors d’un échange au sujet de cette élection, l’une d’entre elles a affirmé que ce sont le capitalisme, le patriarcat, le racisme et la religion, régnant sur les esprits d’un peuple sans repères et appauvri, qui ont gagné cette élection. Je n’ai pu la contredire… Les réseaux asociaux, qui nous coupent les uns des autres, ont fait le reste.
Je suis sorti de la classe en songeant à tous les pouvoirs motivés par l’appât du gain et l’enflure de leur égo, agissant sans tenir compte du vivant et des humains. Une évidence s’est alors imposée dans mon esprit : on doit s’opposer. Il nous faut, autant que possible, enfarger, de toutes les manières, la marche militaire de la dictature des milliardaires. Devenir les coupe-feux d’une atmosphère qui réprime l’espoir. Agir autrement que ce qui nous est sans cesse ordonné, c’est-à-dire consommer et nous diviser.
Ne pas laisser les vents dominants, aussi forts et déments sont-ils, dicter notre droit de faire tempête. Mais, si on agit ainsi, m’objectera-t-on, cela va nuire au système. Qui pourtant désobéit présentement?
Lorsqu’un premier ministre affirme qu’il écoutera la population, comme à Rouyn-Noranda à l’automne 2022, puis qu’il fait tout le contraire et qu’il passe outre la volonté de la population, qui désobéit? Quand des centaines de milliers de personnes exigent des actions pour protéger la vie sur cette planète, le 21 septembre 2019, et que les gouvernements n’agissent pas, qui désobéit? Lorsque le génocide à Gaza, dénoncé par des instances de l’Organisation des Nations Unies, s’amplifie avec l’assentiment béat de nos gouvernants, qui désobéit?
Lorsque les évidences s’accumulent, comme autant d’ouragans et de feux de forêt, qui désobéit? Lorsque des milliards sont engloutis pour aller sur Mars alors que rien ne va ici, qui contrevient au sens commun? La réponse à ces questions me semble aussi claire que l’eau de fonte filtrée par l’esker. Les exemples de ce qui peut être nommé désobéissance ne manquent pas.
Que l’on soit ensemble, avec quelques proches, pour construire dès maintenant et permettre d’instruire, de soigner, de nourrir nos communautés. De petits projets, immédiats, quels qu’ils soient : un jardin, une coopérative, un garage communautaire, une fête, un spectacle, une pièce de théâtre, etc. Chaque fois que de telles intentions se réalisent, au même instant, une pierre s’enlève du mur que le culte du profit à tout prix érige entre nous.
De mon côté, je nous souhaite le plus lumineux des solstices et tout le courage nécessaire pour la suite.
Solidairement vôtre!