Francine Gauthier

Pourquoi ce titre? Parce qu’en route pour aller assister à l’inauguration de Déc’art chez Ameublement Brandsource Ouellet à Macamic, le 20 septembre dernier, j’étais perplexe… Je m’interrogeais intérieurement sur cette association entre meubles à vendre et œuvres d’art originales d’artistes locaux, connus du milieu.

En effet, on a plus l’habitude que les meubles d’un tel magasin soient accompagnés de tableaux neutres et sans âme, fabriqués en série et dont la fonction première est de s’assortir au décor, de devenir un élément du décor, de souligner une couleur dominante, d’aller avec le meuble… On en voit comme ça dans les lieux publics à fort achalandage. Des tableaux surdimensionnés qui affichent une neutralité, un modernisme navrant de gratte-ciels bétonnés grisâtres et qui veulent garnir des espaces fréquentés par des gens pressés d’obtenir ce qu’ils sont venus chercher.

Or, ce n’est pas ce que j’ai découvert en entrant dans le magasin. Oh, bien sûr, il y avait un peu de ces toiles ternes en série dans des espaces en retrait, parce qu’une certaine clientèle recherche encore et toujours ce genre de décor sans accent particulier, ni franc, ni vif, auquel l’œil ne s’attarde pas vraiment. On peut comprendre, mais on peut rester indifférent à ce genre de tableau.

Cependant, partout ailleurs dans le vaste espace, on admire l’audace et la couleur, l’éveil et la magie, le courant qui passe, l’effervescence de créativité, la poésie en images et le mariage réussi entre les murs colorés et habités et les meubles à vendre. Les critiques sont dithyrambiques, enthousiastes et honnêtes. Selon ces critiques, les artistes sont adéquatement mis en valeur dans cette mise en scène, résultat du travail de deux artistes du milieu : Nancy Sénéchal et Geneviève Morel. Elles ont eu cette bonne idée d’associer art original et décor intérieur. Elles ont pris plaisir, à partir des œuvres, à créer le décor avec goût, et ça saute aux yeux. Ce n’est plus l’œuvre qui s’agence aux meubles, mais bien le contraire. Et pourquoi pas? Question d’éthique? Pourquoi y aurait-il un problème ou une incompatibilité à choisir délibérément d’innover de belle façon dans le domaine commercial? Non seulement cette exposition offre une belle visibilité aux artistes, mais elle constitue aussi un exemple d’escapade de la culture vers le peuple, une forme de démocratisation du domaine des arts, une manière de faire vivre les œuvres dans un environnement qui les met en valeur. Il serait souhaitable que les établissements suivent cet exemple.

Certains diront que l’art a d’autres buts que ceux de faire vendre, mais ici, la question ne se pose pas sous cet angle. Le geste d’ouvrir les lieux à l’art d’ici revêt une certaine noblesse, car il rend l’art accessible. En effet, la personne qui entre pour chercher une causeuse remarque vite que les murs sont habités d’œuvres inspirées : la poésie est présente, la magie opère et la personne qui était venue avec l’intention de changer de divan repart avec une œuvre d’art choisie pour sa beauté, son éclat saisissant, sa symbolique particulière, sa lumière.

Cette ouverture à l’art part d’un naturel dans la famille Ouellet et le mobilier d’Ameublement Ouellet est de facture québécoise. Ainsi, l’invitation aux artistes de venir exposer allait de soi. Par leur présence, les œuvres de Christiane Plante, Norbert Lemire, Line Ouellet, René Perreault, Chantal Godbout, Blaise Boisvert, Guylaine Magny, Johanne Grenier et Francine Plante rehaussent l’esthétique du lieu qui devient, pour un temps indéterminé, une galerie d’art audacieuse, pétillante, vibrante et temporaire. Le déplacement vers une immersion dans un magasin de meubles extraordinaire ne vous décevra pas. L’adresse : 83, rue Principale à Macamic.


Auteur/trice

Chroniqueuse autodidacte pour L'Indice bohémien et pour le Journal Le Pont de Palmarolle. Les sujets couverts touchent, entre autres, l'actualité, la lecture, le jardinage, le végétarisme, l'interprétation de l'objet patrimonial, les arts visuels, le portrait, l'amour de la nature et de la culture. Prix de l'AMECQ 2019 pour la meilleure chronique Notre région a cent ans.