La forêt, refuge des amoureux des bois et de ceux qui cherchent à fuir le rythme urbain. Elle est l’exil tranquille où
le murmure du vent semble chuchoter le nom de ceux qui nous ont précédés dans ces lieux. C’est le repaire fragile dont des pans et des flancs se sont vus tomber au combat pour que lui succèdent le développement
et une autre civilisation. C’est l’asile que l’on protège, qu’on ensemence à grand renfort de sylviculture et de projets de revitalisation.
 
La forêt, celle que l’on débroussaille lorsqu’on arrive dans un nouvel environnement et où tout est à défricher. Celle qui représente la montagne de ce qui nous attend et de ce qu’on ne connait pas encore. C’est l’ensemble de tous les nouveaux visages dans un nouveau milieu de travail, une nouvelle école, un nouveau voisinage. C’est aussi, par moments, la somme de toutes les peurs jusqu’à ce que chaque arbre en vienne à avoir un nom.
 
La forêt, pour la région, est à la fois nourricière, lieu de travail, terrain de jeu et même partie intrinsèque de l’ADN. Remonter la 117, c’est s’avancer entre les arbres et réaliser que l’on est chez soi, à l’abri des cimes et des corps étroits d’écorce de
bois.
 
La forêt, celle que l’on a dans la tête, comme sur cette magnifique illustration de Karine Berthiaume à la Une de L’Indice bohémien du mois d’avril. Cette illustration, elle figurera sur l’hommage à Richard Desjardins préparé
par 117 Records et qui sera lancé ce printemps. Cet album réunit 14 voix pour souligner les œuvres du chanteur originaire de Rouyn-Noranda.
 
«Desjardins, c’est un peu tout ça : un punk, un musicien classique, un poète, un conteur », résume Yann Perreau,
un des artistes ayant accepté de se prêter au jeu. Ce Desjardins illustré, il n’est pas sans rappeler son combat pour l’environnement et son documentaire L’erreur boréale, , sorti en 1999. De ce film engagé dans lequel il livrait ses constats de l’exploitation du domaine forestier, une prise de conscience collective en a émergé.
 
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Dans ce numéro printanier, L’Indice bohémien propose une sorte d’exercice de lecture en forêt. Le parcours s’amorce avec Richard Desjardins, mais emprunte ensuite plusieurs sentiers, dont ceux de l’Histoire avec Guillaume Marcotte sur les traces de
la traite des fourrures dans le Grand Témiscamingue. 
 
Ce numéro, c’est aussi une occasion de prêter l’oreille aux petites voix, notamment celle des 5 à 12 ans qui ont participé au tournage du film Paroles d’enfants. La production s’est arrêtée à Pikogan pour recueillir de petits
moments d’une sincérité désarmante.
 
Nos collaborateurs ont aussi tenté de semer l’envie des gestes responsables dans un cahier sur l’environnement et le développement durable. Avril, c’est aussi le Jour de la Terre, le 22 du mois. L’éco-conseiller Maurice Duclos amorce d’ailleurs une série de réflexions qui prendront la forme de rendez-vous pour quelques numéros.
L’Indice vous offre aussi des portraits et des raisons de croire que notre forêt régionale est dense d’artisans, d’artistes, de projets et de talents. Que nos cimes, qui atteignent parfois des sommets, sont aussi refuge, abri, exil et lieu de confidences. Nos chroniqueurs nous ouvrent d’ailleurs les portes de eurs réflexions et partagent parfois
de manière très intimiste un peu d’eux-mêmes.
 
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Quant à moi, avec ce premier numéro dans les bottes du garde forestier, je découvre les essences qui composent l’écosystème de L’Indice bohémien. L’excursion est jeune, mais l’air est bon et frais.
 
Au loin émergent par moments des sons encore nouveaux, mais les repères prennent forme tranquillement.
 
Bonne randonnée en forêt, bohémiens et bohémiennes!

Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.