Il y a un décalage entre le moment où j’écris cette chronique et celui où vous parcourrez L’Indice bohémien. Ainsi, le texte que vous avez sous les yeux paraitra vers le 1er juillet alors que la rédaction du journal l’aura reçu le 12 juin. 

Depuis une semaine, des centaines de personnes s’acharnent à combattre d’immenses feux de forêt. Normétal, Chibougamau, Lebel-sur-Quévillon sont évacuées. Plus d’une dizaine de milliers de concitoyennes et concitoyens trouvent refuge chez des proches, des parents, dans des gymnases ou des arénas. Des bénévoles soutiennent généreusement tous ces gens. Cela doit procurer un très grand réconfort, même si ça ne vient pas balayer l’angoisse de perdre sa maison, son logement et ses biens. 

Un endroit pour vivre est un besoin de fondamental. Le feu et bien d’autres circonstances peuvent conduire à la rue : un ouragan, une inondation, une faillite, une séparation, la dépression, une expropriation… 

En Abitibi-Témiscamingue, environ deux personnes sur cinq vivent en appartement. En général, on dit que 30 % de notre revenu devrait être consacré au logement. Dans la région, selon le dernier recensement, plus de 6 800 ménages paient au-dessus de ce seuil. Ça fait beaucoup de monde! Plus encore, au-delà de 1 800 autres déboursent la moitié de leur revenu et davantage pour se loger1. Ici, les locataires vivent une crise du logement depuis 15 ans. Le taux d’équilibre de 3 % entre l’offre et la demande d’appartements n’a pas été atteint depuis 2008 alors que le loyer moyen tourne maintenant autour de 750 $ par mois.  

Des familles dont les responsables occupent un emploi fréquentent les banques alimentaires. Elles coupent dans tout ce qu’elles peuvent pour « arriver ». Une forte augmentation de loyer les prendra à la gorge. Trouver un logement décent à bon prix est devenu impensable. Pire, des groupes immobiliers se sont formés; ils contrôlent le marché et profitent de la situation au détriment des gens moins fortunés. Jamais l’offre de logements n’a été concentrée entre aussi peu de mains en Abitibi-Témiscamingue. 

Depuis plus de trente ans, les gouvernements fédéraux et provinciaux ont cessé d’investir dans le logement social. Comme dans d’autres domaines, on refuse désormais le minimum à une partie importante de la population. C’est une crise du logement, une crise des valeurs et une crise d’humanité qui frappent les plus fragiles d’entre nous. Et on s’y est habitué… On va se choquer de la présence de personnes itinérantes dans un centre-ville quelconque, mais on ne s’offense pas du fait que notre société engendre cette itinérance. 

Il y a un décalage certain entre la solidarité exemplaire dont nous faisons preuve pendant une tragique menace incendiaire et le refus de nos gouvernements, tant municipaux que provincial ou fédéral, de s’attaquer à la crise du logement. Un refuge décent à un prix décent, n’est-ce pas un minimum dans une région aussi riche que la nôtre? 


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