Il y a de ces livres qu’on s’imagine facilement dévorer en solo sur un petit cap de roche, dans un sous-bois pas très loin de la ville, à l’abri des regards et des distractions pour se laisser transporter dans le temps avec l’impression de faire partie de l’histoire. À la lecture de Lise Bissonnette : entretiens (Éditions du Boréal), j’avoue, je suis devenue une petite fille; celle pour qui la lecture est un précieux trésor à une époque où l’isolement est un désert littéraire. Avec la rigueur qu’on connaît à Lise Bissonnette, elle se livre avec franchise et tendresse. Pas de complaisance mièvre ni envers elle ni envers cette époque où le beige et la grisaille ne demandaient qu’à se vivre et à s’écrire noir sur blanc.
« ON EST DU PAYS DE SON ENFANCE. »
Fille de commerçant d’origine modeste, Lise Bissonnette raconte la distinction des classes sociales entre Rouyn, la francophone, et Noranda, la prospère et fière anglophone. L’accès à l’éducation est limité au couvent où, trop souvent, les enseignantes sont à peine plus âgées que les étudiantes et doivent suivre bien strictement les bases minimales. Le clergé est très conscient qu’il éduque des filles de mineurs et de bûcherons qui deviendront de bonnes mères de famille. Lise Bissonnette, avide de lecture, assoiffée de connaissances, lit et relit sans cesse les mêmes ouvrages : la comtesse de Ségur, les manuels scolaires, les romans-feuilletons de ses sœurs, Les Veillées des chaumières, même les notes de sténographie de sa mère. « Lire, même n’importe quoi, mène à étudier. Étudier, même des choses inintéressantes, mène à vouloir en connaître d’intéressantes. », dit-elle.
« J’AI EU 20 ANS À TEMPS, LES VOILES PERDAIENT ENFIN LA PARTIE. »
Lors de l’entretien, nous avons évoqué la Lise Bissonnette, étudiante et libre, tant à Gatineau qu’à Montréal, dans un Québec en pleine effervescence. De ses premiers pas en tant que journaliste pour le journal étudiant Le Parchemin avec l’assistance de Louise Desjardins, elle aussi abitibienne, et de sa participation au conseil exécutif de la Presse étudiante nationale (PEN), puis en tant que rédactrice en chef adjointe pour le journal Le Quartier latin, elle dit : « Nous étions impertinents et ambitieux, nous percevions Le Devoir comme un concurrent un peu dépassé, rien de moins. » L’avenir est d’une ironie certaine.
« Ce que j’ai retenu de mon enfance, ce n’est pas la forte nature de ce nord qui nous submergeait, mais l’isolement. Il m’a portée à chercher la compagnie des mots, puis des phrases, puis des livres (mêmes imbéciles, pour la plupart) qui atténuaient la brutalité du décor et me faisaient aimer les rochers où l’on peut s’asseoir à longueur de journée et s’en aller dans cet autre monde. », ajoute-t-elle.
Lise Bissonnette est une grande dame qui, pas à pas et avec fougue et droiture, a semé sur son parcours l’ouverture d’esprit et l’accès à l’éducation et à la culture par la lecture. Sa vie est certes d’une ironie fascinante. Elle nous a offert une bibliothèque où tous ont le loisir de gambader avec les mots, de voyager dans le temps et de croire que tout est possible. Lise Bissonnette : entretiens vous donne rendez-vous dans une bibliothèque près de chez vous.


Auteur/trice

Oui, je ressemble vaguement aux actrices du cinéma muet. Ceux qui me connaissent vous diront que je parle trop, trop, trop souvent et trop longtemps. Je suis intense, mais pas dangereuse. Je ne suis qu’une irréductible épicurieuse. En talons hauts ou pieds nus, je m’évade , je gambade, je danse et m’éparpille dans ce monde entier si fragile. Autrice/Compositrice/Interprète/Comédienne/Conteuse/Journaliste/Styliste/et j’en passe. . J’ose croire qu’autour de moi je sème du bonheur.