PHILIPPE MARQUIS

Un ami de longue date, un camarade aux côtés de qui je me suis battu pour tenter d’améliorer le sort du monde, a décidé de nous quitter dernièrement. Comme il y a des années que j’ai fui la métropole pour revenir ici, je n’avais que peu de nouvelles de lui. Il a toutefois été l’une des très rares personnes connues au sud à avoir traversé le parc pour venir me voir, il y a six ans de cela. Je vous jure que c’est rare de la visite comme ça pour moi. Depuis, l’éloignement et les manèges de nos destins respectifs ont fait que les maigres nouvelles que je recevais de lui provenaient d’amis interposés sur les réseaux sociaux.

Il vivait seul et s’efforçait de sortir d’une cruelle dépendance. Un être brillant, lucide et capable de résumer une situation politique, tant locale qu’internationale, en quelques mots. Un militant généreux, apprécié de toutes et tous. Frappé comme nous tous par la pandémie, il s’est isolé davantage. D’ici, de Loin-Noranda, c’est ce que je crois avoir compris. Dans les faits, je n’en sais rien… Rien d’autre que le fait qu’il a décidé de partir. Je pense à lui tous les jours depuis les Fêtes, la période qu’il a choisi pour renoncer à la vie. Comment puis-je arriver à comprendre autrement qu’en évoquant une profonde souffrance? C’est peine perdue…

On dit que les mois de février et mars représentent, dans notre région, ceux où la détresse humaine serait la plus manifeste. Comment entendre les pleurs étouffés quand tant de bruits assourdissent nos existences fonçant à la vitesse du son?

Que deviennent alors nos âmes en ces temps troubles? Qu’y a-t-il donc derrière ce que nous cachons ou refusons de regarder en nous? Qu’y a-t-il sous nos humeurs retouchées, nos beaux coups soulignés? Comment sont nos nuits, nos matins, nos chagrins? Comment parler et nommer ces boules qui bougent parfois dans nos ventres sans en sortir?

Comment répondre à ces questions en pianotant en solitaire sur un clavier?

Comment pouvoir s’éclairer si on ne fait pas comme un enfant en demandant tout simplement : « Comment vas-tu? Que sont tes rêves maintenant? Que veux-tu du vivant? »


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