« Et cependant je continue à chercher quelqu’un qui ne me comprendrait pas et que je ne comprendrais pas, car j’ai un besoin effrayant de fraternité. »
– Emile Ajar, Pseudo
Deux postulats :
« Le plus court chemin vers l’universel passe par le singulier » ET « Pas besoin de grand-chose pour sonder les profondeurs ».
Regardez l’apnéiste. Il va seul et presque nu vers le sentiment océanique où bientôt il ne sera plus un,mais tout autre.
Sur ce, plongeons dans le travail de Jolyane Plante.
D’abord, soyons secs, comme les matériaux qu’elle privilégie pour dessiner. Elle plonge en elle, fusain en main, et remonte avec des sensations, des images et des rêves. Elle dessine des émotions, densifie l’impalpable. Les processus inconscients l’attirent. Le caché, l’oublié, l’insu, l’indicible… La métaphore vient au secours du silence. Jolyane Plante plonge dans le noir pour rencontrer la clarté.
SOI ET LE MÊME
« Je veux que l’on réalise que l’on possède tous cette profondeur, ces inquiétudes et cette nostalgie », écrit-elle. Au fond, nous vivons tous la même chose. Par son art, Jolyane Plante souhaite révéler nos plus petits dénominateurs communs.
Elle cherche en elle ce que nous avons tous en nous. Elle sonde son soi pour rencontrer le même. Ce qui la mine, elle l’extrait et le projette dans ses œuvres. Le trait du dessin organise la densité des sentiments.
Elle veut pétrir nos joies, imager nos peines. Elle veut dessiner nos mélancolies communes. Elle veut qu’on se comprenne. Dans nos sociétés de particules élémentaires (l’individu anomique s’agitant sous un ciel vain), son art cherche à réunir les solitudes.
C’est normal d’Être exceptionnel
« Je trouve si beau le fait que chaque être puisse avoir sa propre profondeur individuelle, presque impossible à discerner »,s’émeut-elle. Voilà la tension, le paradoxe auquel Jolyane Plante carbure : tous semblables; tous différents.
Autrement dit : tout le monde est triste à sa façon (les optimistes peuvent mettre joyeux à la place, ça fonctionne).
L’art célèbre les singularités en éclairant l’universel. Jolyane Plante est une artiste. Sa mission, si elle l’accepte, est de saisir l’universel des univers particuliers. Au fond, c’est normal d’être exceptionnel.
L’HORIZON DE L’EFFACEMENT
Si vous découvrez cette artiste à travers cet article, c’est que vous avez raté son exposition récente au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue (CégepAT). Heureusement pour vous, il devrait y avoir une suite.
« Plus le temps avance, plus je crée des formes qui s’effacent, qui semblent se perdre à travers elles-mêmes », constate-t-elle.Voilà le défi, celui de plonger en soi pour s’estomper. (S’)effacer pour mieux voir.
Deux ans au CégepAT, une bourse d’excellence et une exposition plus tard, Jolyane Plante a rallié Sherbrooke où elle bachote l’histoire. Toutefois, l’art la titille. Ce sera probablement l’histoire de l’art. Et, bientôt, sûrement, on l’espère, un retour à l’atelier.
Un horizon se dessine : « J’aimerais pousser cette technique [de l’effacement], lorsque je me remettrai à créer. »
C’est souhaitable.