Un peu avant sa vingtaine, Louis Dumont succombe à l’ivresse de découvrir le monde en parcourant, sac au dos, en tous sens, le Canada et les États-Unis. Puis, de 1982 à 1985, à la suite de son doctorat en pharmacologie, l’impétueux Abitibien s’enrichit d’études universitaires postdoctorales dans ces deux pays, avant d’enseigner à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal.

En plus d’avoir œuvré dans des projets éducatifs en Haïti, il a mis sur pied le Projet SEUR qui offre à de jeunes Québécois et Québécoises du secondaire un mentorat universitaire, pour les sensibiliser à l’importance des études.

DE LA SCIENCE À LA LITTÉRATURE

Natif d’Amos, Louis Dumont, spécialiste en pharmacologie cardiovasculaire et immunosuppressive, aussi chercheur et auteur de nombreuses publications scientifiques à l’échelle nationale et internationale, est passé, après plus de 40 ans de démarche scientifique, de la science à la littérature.

Le temps aidant, l’inclination latente à l’écriture se met en marche. Après trois recueils de poésie publiés de 2019 à 2022, le voilà, fort de son bagage culturel, dans le roman. Après avoir pris la plume et avoir rejoint l’Union des écrivaines et des écrivains québécois, il est lui-même l’image de ce qu’il prêche dans son premier roman : avec ses irréductibles singularités, Le Nouveau Monde nous attend au tournant.

LE NOUVEAU MONDE

Le Nouveau Monde « est un mystère, terre d’accueil, d’exil et de sang », lit-on dans l’avant-propos, un creuset de sociétés diversifiées qui façonnent les destins, des parcours de vie singuliers, dont les plus sombres. Même si la vie de Louis Dumont n’est pas la plus ordinaire qui soit, son roman « défend l’idée que même les vies les plus ordinaires contiennent des fragments d’exception, des moments de magie ». De bien brefs moments de beauté à découvrir sur le chemin qui mène au néant, découvre-t-on dans ce roman.

L’ORDINAIRE, SOURCE D’EXTRAORDINAIRE

Des rapides de l’Harricana d’Amos ainsi que du lac des Hauteurs, de Landrienne et de Saint-Marc-de-Figuery jusqu’au Guatemala, en passant par Québec, Montréal et Montebello, le Manitoba, l’Ouest canadien et l’Amérique du Sud ainsi que Cancún, tout en montrant l’évolution et les travers des sociétés, une vingtaine de personnages, souvent en fin de vie, se racontent avec philosophie à l’accompagnant bénévole, « un beau jeune homme » selon Maria, qui les écoute pour mieux témoigner de leur sentier vers l’éternité.

Parmi ces personnages, on trouve notamment l’Huronienne Juliette qui a épousé un pharmacien abitibien, et ce moine astrologue du 16e siècle plus que centenaire qui espère, au couvent des sœurs, le hasard de l’inattendu. On entend aussi les murmures, le « sang de la colère », du chef de guerre Nez-Percé, Looking Glass, du milieu des années 1800 dans la prairie américaine disparue sous les autoroutes, ainsi que des femmes du Québec du 20e siècle en devenir en fin de vie au manoir Paradiso de Montréal : Lucienne la musicienne, Irma la fermière ainsi que Violette, qui a consacré sa vie aux autres malgré son cancer.

Le romancier nous rappelle que chaque vie vaut la peine d’être racontée. Dense en émotions, cruel au cœur tendre, Le Nouveau Monde est un regard critique sur l’évolution de la société, mais aussi un texte qui laisse planer un mystère : le narrateur est-il le porteur de la voix d’un écrivain qui tente la difficile entreprise de présenter une autobiographie romancée, un roman chargé de tous les acquis d’une vie, de ses odeurs, de ses réflexions et de ses visions? En tout cas, c’est réussi.

Qu’est-ce qui rend unique un parcours de vie? Les choix, les rencontres, les évènements? À lire dans Le Nouveau Monde : petites histoires pour inespérés (Éditions l’Apothéose), publié à la mi-août 2022, des nouvelles qui laissent entrevoir que la vie peut offrir plus que ce qui est espéré à la personne qui n’espère plus grâce aux petites actions quotidiennes qui forgent les destins et apportent fierté au cœur de l’humain.


Auteur/trice

Ingénieur forestier pour Domtar Woodlands, la Société d’État REXFOR et puis à son compte, Gaston a pris sa retraite en 2006. De retour sur les terres de sa jeunesse et fort d’un baccalauréat en Études littéraires, il se consacre à l’écriture tout en collaborant avec L’Indice bohémien depuis 2016 à la rédaction de textes et à la distribution du journal.