Le personnage pourrait s’illustrer en deux mots : « baguette » et « moustache ». Depuis 35 ans cette année, Jacques Marchand dirige l’Orchestre symphonique régional (OSR) Abitibi-Témiscamingue, dont le premier concert a eu lieu en mai 1987.
« Ça passe si vite. On ne voit pas le temps passer quand on est dedans. On le voit quand les dates anniversaires arrivent, mais moi, j’ai plutôt tendance à regarder en avant », résume Jacques Marchand, alors que l’OSR s’apprête à amorcer une tournée avec le spectacle Pierre, un loup et deux cors.
Ce concert tient de l’ingéniosité de Jacques Marchand et de ses capacités d’adaptation. « Quand j’ai fait le premier programme, au début de l’automne, je me figurais des répétitions avec près de 45 musiciens. En raison de la distanciation à observer sur scène, j’ai dû regarder pour planifier un orchestre réduit, tenant compte des tailles des scènes », explique-t-il.
C’est à ce moment que le choix s’est arrêté sur le conte musical Pierre et le loup de Prokofiev avec une vingtaine de musiciens et une première partie présentant des cors français qui reprennent Vivaldi, Cherubini, Telemann et Mozart.
QUAND L’ACTUALITÉ IMPOSE SES BÉMOLS
Bousculé par les aléas de la pandémie, Jacques Marchand ne s’attendait pas, quelques mois plus tard, à être rattrapé par un conflit géopolitique entre l’Ukraine et la Russie, qui a rapidement eu des répercussions internationales. Pas question toutefois de revoir la programmation. « Ce qui se passe, c’est la guerre de Poutine, ce n’est pas la guerre des Russes. Le peuple, ce sont des humains, dans une guerre atroce. Les gens font vite des amalgames », souligne Jacques Marchand.
Prokofiev a composé son conte musical en 1936, entre les deux grandes guerres. De l’avis de Jacques Marchand, outre une portée didactique pour introduire la musique aux enfants, l’auteur avait aussi pour motivation d’alléger une certaine tension ambiante. « C’est quelque chose dont on a besoin en ce moment, un peu de rêve », indique-t-il, ajoutant que le texte, qui sera lu par Isabelle Trottier, est la version adaptée par Kim Yaroshevkaya, à la demande de l’OSR, il y a quelques années.
Kim Yaroshevkaya est née à Moscou en 1923 et a émigré au Québec dans les années 1930. Aujourd’hui âgée de 98 ans, elle est profondément bouleversée par les troubles qui affligent les populations russe et ukrainienne. « Ce sont des choses, qui sont incompréhensibles. Incroyables et incompréhensible que ça nous arrive, que cela arrive à tout ce monde et au monde entier », confie-t-elle.
Celle qui a consacré une partie de sa vie au conte et à la fantaisie en personnifiant Franfreluche ou Grand-mère au petit écran croit que ce conte musical a tout pour apaiser. Elle conserve un excellent souvenir de sa collaboration avec Jacques Marchand, au moment d’adapter Prokofiev notamment. « La musique, ça n’a rien à voir avec ce qui nous arrive… et ça souligne le passage de cet amour, ça souligne le fait qu’on aime les mêmes choses, tous », insiste Kim Yaroshevkaya.
UN AIR DE JEUNESSE
Fort de ses étonnants 73 ans, Jacques Marchand tient la forme et un horaire bien chargé. « Ça doit être la musique qui me tient », lance-t-il avec fougue, mentionnant au passage que ses parents ont atteint les âges vénérables de 91 ans pour son père, et de 104 ans, pour sa mère.
« L’orchestre m’occupe beaucoup. C’est une tâche à temps plein, et même plus qu’à temps plein. Il y a toujours quelque chose. Quand j’arrive sur scène pour diriger les musiciens, c’est là mes vacances, c’est là qu’on est heureux! »
Pianiste de formation, avant de s’investir avec l’OSR, Jacques Marchand a travaillé avec Renée Claude et Pauline Julien. « Je m’ennuie de jouer du piano. Je manque de temps pour m’exercer et composer, mais je n’ai pas le temps de m’ennuyer », ajoute Jacques Marchand.
Le spectacle Pierre, un loup et deux cors, réunissant 22 musiciens, sera présenté du 4 au 10 avril à Amos, Val-d’Or, La Sarre et Rouyn-Noranda.