J’ai marché, dans le redoux, mon kilomètre et demi aller-retour préféré pour aller à la rencontre de Fednel Alexandre : une rencontre planifiée, mais avec une légèreté fortuite! Entre les murs du musée, Fed m’explique qu’il a fort à faire. Grâce à une subvention du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), il coordonne une création avec la collaboration de La Mosaïque interculturelle, du Musée d’art (MA) de Rouyn-Noranda, du Théâtre du Tandem et de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). Il est possible de voir son installation sonore « Chez moi » au MA du 23 février au 20 mars.

Fed ajoute qu’il s’agit en fait d’un objet littéraire numérique. Il a d’abord voulu un projet d’écriture d’une soixantaine de pages, mais de fil en aiguille, la création s’est divisée en plusieurs supports, dont des enregistrements sonores d’extrait lus par Hélène Bacquet, Mylène Baril-Mantha, Pierre Bédard, Valentin Brin, Sabah Lounate et Aimé Pingi, avec l’accompagnement musical de Guillaume Laroche. L’arrangement sonore, qui dure une quarantaine de minutes, est signé Myrko Poitras et est diffusé jusqu’au 20 mars 2022.

Les yeux rieurs de Fed rendent hommage à la lumière qui abonde dans l’espace central de l’édifice Guy-Carle. Lorsque je lui demande d’où il en est venu à cette démarche, il répond : « Je suis très sensible au fait de la langue, à la manière des phrases qu’on dit. Ce qui m’avait particulièrement frappé, entre beaucoup d’autres choses, c’est lorsque je suis arrivé au Québec, lorsque tu rencontres une personne qui vit seule qui te dis, “Tu viens chez nous?” De même, lorsqu’une personne, qui sait que tu vis seul, te dis, “On va chez vous?” Une drôle de langue qui m’a fait sourciller à sa mention! »

Ce point de départ est également accompagné de la volonté de faire des recherches sur l’expression « chez moi » et ses déclinaisons, afin d’explorer tout à la fois son rapport en tant qu’immigrant à l’espace imaginaire, au réel, au côté mythique de l’Abitibi-Témiscamingue et à l’autre qui n’est pas soi-même.

Pour ce faire, il a dû remplir une exigence qui le tracassait au départ : ajouter un volet communauté à sa création. Pourtant, écrire est souvent une activité solo. Alors, comment pallier cela? « Il faut savoir que pour écrire ce récit, j’ai rencontré une trentaine de personnes : des Abitibiens, des immigrants et des Québécois qui viennent d’autres régions. Je me suis inspiré de leurs témoignages pour alimenter l’histoire. » Rapidement, il a constaté que cette exigence s’accordait beaucoup plus avec son œuvre que ce qu’il avait imaginé, à la manière d’un auteur qui s’inspire d’une conversation qu’il entend dans un café.

Lorsque la rencontre s’achève, je suis éblouie par ce projet dont les différents moyens d’expression sont, en quelque sorte, chacun une médiation entre eux. Je retourne chez moi, mais je m’interroge… Serais-je vraiment chez moi ou serais-je une étrangère?


Auteur/trice

Artiste pluridisciplinaire originaire de l'Abitibi-Ouest, mais résidente à Rouyn-Noranda depuis 2006, Julie est de celle qui aime tout!!! Un brin de poésie ici, une touche de BD là. Juste à droite : de l'artisanat, le tout en passant par TOUTES les formes de culture possible!