La réalité dépasse parfois la fiction et je ne peux m’empêcher d’esquisser un vague sourire à l’idée de rédiger une chronique sur l’essai de Gabriel Nadeau-Dubois au lendemain d’une élection qui aura reporté au pouvoir le Parti Libéral du Québec… Ironie du sort! Pourtant, c’est la venue prochaine de cet incontournable visage du Printemps Érable au Salon du livre d’Amos qui est à l’origine de ce papier.

« J’ai écrit ce livre pour réfléchir à ce que cette grève a révélé de nous-mêmes, pour méditer sur la manière dont elle a transformé nos vies, et notamment la mienne », précise Gabriel Nadeau-Dubois. Il s’agit d’un récit non-officiel et personnel portant sur ce conflit social, son déroulement imprévisible et certainement l’un des épisodes marquants de l’histoire du Québec contemporain. Ce récit est celui d’un militant étudiant. Il se veut à la fois porteur d’opinions, d’arguments mais aussi un compte rendu détaché, lucide et très bien documenté des faits, tels que vécus de l’intérieur. Que l’on ait été carré rouge, vert, ou même indécis si c’est possible, c’est une lecture captivante et extrêmement instructive.

« En tant que porte-parole, je me suis vu confier un rôle bien précis, celui de défendre les positions du congrès dans la sphère publique, une responsabilité qui ne confère aucun pouvoir décisionnel », écrit l’auteur. On sent bien, malgré un certain détachement, que son rôle au sein du conflit fut un poids énorme à porter. Il est fascinant de comprendre les dynamiques internes complexes de son organisation, la CLASSE, si incompatible de par sa nature avec le fonctionnement des médias. Coincé entre des médias acrimonieux le percevant à tort comme un chef insurrectionnel, un gouvernement pour le moins intransigeant et un mouvement tout aussi inflexible, mais surtout radicalisé, décentralisé et absolument ingouvernable, on saisit l’inconfort extrême de sa position qui est celle qui se situe entre le marteau et l’enclume.

En guise de conclusion, qu’on ait admiré Gabriel Nadeau-Dubois ou qu’on l’ait honni, suite à cette lecture, on comprend. On comprend ses motivations idéologiques, on situe mieux le contexte inextricable dans lequel il a dû évoluer et la pression immense qu’il a subie, et plus que tout autre chose, on réalise que le rôle qu’il a tenu n’était pas, dans la majorité des cas, celui que l’on lui a attribué. Enfin, j’espère tenir un jour entre mes mains la version de Jean Charest du même exercice d’honnêteté, mais la croirais-je?

Gabriel Nadeau-Dubois, Tenir tête (méditation sur les évènements du printemps 2012)

Lux Éditeur 2013