Nous faisons tous partie d’un écosystème biologique complexe constitué de différents organismes interreliés en réseaux trophiques par des relations alimentaires (producteur, consommateur, décomposeur). Issue de la biodiversité, notre espèce s’est développée en étroite relation avec la nature, puis a commencé à s’en affranchir. Cette ascension vers un pouvoir absolu sur la nature allait de pair avec l’agrandissement des villes, se dissociant toujours davantage des milieux naturels. L’impact de cette rupture (ou séparation) se traduit aujourd’hui par des problèmes environnementaux affectant les sphères sociales et économiques. En effet, la pollution de l’eau, de l’air ou encore les pesticides qui se retrouvent dans la nourriture ont un impact néfaste sur notre qualité de vie. De plus, la plupart des matières sont vendues sans prendre en compte les externalités négatives liées à la pollution qu’elles engendrent. C’est entre autres face à ces enjeux et à l’impact sévissant des changements climatiques que l’assemblée générale de l’ONU a adopté, en 2015, 17 objectifs de développement durable pour amorcer un changement sociétal profond. Une preuve de ce changement s’observe notamment dans de nouvelles relations et échanges entre les entreprises qui s’allient pour former des synergies industrielles.
L’HUMAIN EST FONDAMENTALEMENT COOPÉRATIF
Comme dans la nature, la plupart des entreprises œuvrant dans des domaines similaires sont, de près ou de loin, en compétition pour une ressource, une offre de service ou un bien. Bien au contraire, les synergies industrielles prônent l’émergence de relations positives de complémentarité entre deux ou plusieurs entreprises. Par relation positive, on peut donner l’exemple de la coopération qui, d’après l’un des principes de l’évolution biologique, est fondamentale à notre survie : « Ceux qui survivent sont ceux qui coopèrent le plus. » Les champignons et les bactéries sont maîtres dans l’art de la coopération; ils font partie de la catégorie tout en bas des réseaux trophiques, les décomposeurs. La plupart des champignons vivent en symbiose avec d’autres organismes. Certains d’entre eux transforment la matière putrescible afin qu’elle soit assimilable pour les producteurs primaires, les plantes. En échange, celles-ci fournissent aux champignons des glucides (sucres), transportés jusqu’aux racines par la sève. Comme le souligne Gunter Pauli dans son ouvrage, Soyons aussi intelligents que la nature (édition de l’Observatoire) : « La nature utilise un modèle économique incroyablement efficace; elle ne connaît ni déchet, ni pollution, ni chômage; […] La nature fonctionne par coopération (la symbiose) afin de répondre aux besoins de chacun des membres de son écosystème ».
Néanmoins, certains facteurs prépondérants doivent être pris en compte pour favoriser une synergie industrielle. La présence d’une compatibilité est impérative : les extrants ou rejets de l’un doivent répondre aux besoins de l’autre. L’avantage de ces boucles courtes (d’intrant et d’extrant) locales relève du fait qu’une entreprise qui devait assumer des frais pour se départir de ses déchets peut maintenant générer un profit ou s’en tirer à coût nul. Par exemple, au Lac-Saint-Jean, la Régie des matières résiduelles (RMR) a fait preuve de synergie en regroupant 36 municipalités ainsi que plusieurs experts sur son territoire pour traiter de l’enjeu de gestion des matières résiduelles. Cette gestion qui, à prime à bord, semble être un fardeau, peut se transformer en opportunité et gains économique, environnemental et social lorsque les acteurs se concertent et s’organisent. Par ailleurs, le groupe CODERR, une entreprise d’économie sociale, s’est allié à la RMR dans le but d’améliorer à la fois le transport, la valorisation et la remise en marché de matières résiduelles. À titre d’exemple, selon le rapport annuel 2019 de la RMR, les matelas et sommiers déposés dans les écocentres sont détournés de l’enfouissement et récupérés par ce groupe. Cette année-là, ce sont environ 5 257 unités qui ont été démantelées et les composantes, dont le bois et le fer ont été valorisés. Un tel exemple rappelle que, tout comme les décomposeurs dans la nature, les installations de réemploi, recyclage et valorisation (p. ex. : centres de tri, écocentre, friperie, plateformes de compostage, etc.) jouent un rôle clé dans la remise en circulation des matières. Autrement, ces ressources pourraient finir gaspillées dans un lieu d’enfouissement technique (LET).
La RMR du Lac-Saint-Jean est une pièce maîtresse dans la gestion efficace des matières résiduelles de sa région. Elle facilite la création de synergie par sa connaissance des réalités et enjeux régionaux, par les liens forts qu’elle entretient avec ses partenaires et par l’effort soutenu en sensibilisation et en éducation. Les entreprises qui œuvrent à redonner une valeur à des matières considérées comme des déchets permettent de remettre en circulation les flux de matières.
La nature a beaucoup à nous apprendre. Il faut impérativement continuer à mieux la comprendre, car les processus qui la constituent sont durables. La région de l’Abitibi-Témiscamingue aurait donc tout intérêt à mettre en place une régie de matières résiduelles intermunicipales afin de lancer des études pour trouver les synergies potentielles et développer des partenariats entre les entreprises et organismes œuvrant dans le domaine de la gestion des matières résiduelles.