Le jour où, il y a 16 ans, Nicole Garceau m’a dit à Val-d’Or, « Viens faire un conte au festival », je ne savais pas que ma vie allée être transformée. J’avais répondu oui. J’avais justement un conte tout prêt… Participer à la deuxième édition de Festival de contes et légendes en Abitibi-Témiscamingue (FCLAT) m’a ouvert la porte d’un monde que je ne connaissais pas et que je n’allais plus quitter, le monde du conte! La première manifestation de la littérature, la narration orale.

Quand je repense à toutes ces années, je vois :

  • Jihad Darwich conter debout, immobile, les bras au-dessus de la tête, faire La nuit du conte.
  • Luighi Righanese, avec son accordéon, expliquer la musicalité du conte.
  • Fred Pellerin, jeune à peine sorti du cégep, communiquer sa joie d’être sur scène à un public conquis. « C’est bien ce que tu fais », lui avais-je dit, maternelle, ignorant qui il était!

Parce que Nicole avait le don de faire des découvertes et de les partager avec nous. Joséphine Bacon et Natasha Kanapé-Fontaine sont venues conter à Val-d’Or bien avant que tout le Québec découvre leur poésie. Les reines de la réserve de Thomas Highway a été présenté au FCLAT il y a 15 ans avec Joséphine et d’autres voix autochtones comme comédiennes.

« Fais-nous un conte en innu », avait demandé Nicole à Joséphine. « On a tout compris! » qu’elle a dit, ravie. Moi, je n’avais rien compris. Mais mon cœur s’est ouvert au contact de tous ces conteurs et conteuses au talent incroyable et aux univers riches et divers :

  • Mike Burns, l’Irlandais qui conte, assis sur une chaise, les yeux fermés.
  • Alberto Garcia Sanchez racontant le voyage de Colon en Amérique, nous faisant voir les nefs espagnoles sur l’océan et les voiles faseyer au vent par la seule force évocatrice du récit et du mime.
  • Guth de Prez, et ses histoires sur les poilus et la première Grande Guerre.
  • Les contes traditionnels de Jocelyn Bérubé et d’Alain Lamontagne, le violon endiablé de l’un, la podorythmie de l’autre.
  • La truculence et la vitalité de Joujou Touraine et Coralia Rodriguez.
  • Les contes coquins découpés dans la dentelle de René Robitaille.
  • Le son grave du tambour de Robert « Seven Crows » Bourdon.

J’ai pris de l’absinthe avec le colporteur, qui avait une histoire par objet porté dans sa boîte. J’ai été émue aux larmes par l’histoire de Roméo et Juliette racontée par la nourrice de Juliette, l’extraordinaire Jeanne Ferron. J’ai découvert le philosophe fou Nasredine grâce à Petronelle Van Dyck, la joie du conte et la voix du clown à travers Alexis Roy. Et j’en passe…

Pendant 18 ans, le FCLAT a offert à l’Abitibi 5 jours de contes venant d’ailleurs ou enracinés profondément dans le territoire abitibien. Des conteurs de Cuba, Haïti, France, Irlande, Belgique, Suisse, Espagne, des communautés innues, mi’kmaq et anicinabek, mais aussi du Québec et de l’Abitibi se sont rencontrés à Val-d’Or pour participer aux différentes éditions. Ce festival m’a permis de côtoyer de grandes personnalités du milieu, d’apprendre avec elles, de peaufiner mes talents, et de devenir à mon tour conteuse.

La porte qui s’est ouverte il y a 16 ans sur un monde magique et immense, ne s’est jamais refermée, et je remercie Nicole et tous les gens qui rendent possible ce festival pour cette grande richesse qu’ils offrent à toute la population. Ne manquez pas la 18e édition!