« Montréal est spleenétique, en mars, et, dirait-on, ce mardi a absorbé les tristesses de mois entiers pour les recracher sur la ville sous forme de grisailles, de neige mouillée, d’un air humide et froid à vous transpercer les os. » En une phrase, Pierre Samson laisse entrevoir les temps de misère qui ont, un jour, ébranlé la métropole. C’est comme si les lecteurs, eux aussi, subissaient la lourde atmosphère de déception, de pauvreté et de panique qui secouait le Montréal des années 1930.
Résultat des nombreux abus de pouvoir des forces de l’ordre sur les gens démunis et sur les immigrants, le meurtre de Nikita Zynchuck, un immigrant ukrainien abattu de sang-froid par un policier, vient jeter un voile de terreur et de découragement profond sur les quartiers populaires. C’est le début d’une course contre la montre qui affecte toute la ville, lassée des drames qui surviennent depuis la Grande Crise. Tout en tension et en soubresauts, Le Mammouth de Pierre Samson (Héliotrope) met en lumière les jours qui précèdent et qui suivent la tragédie de la mort de Zynchuck, dit le Mammouth.
Parmi les témoins du drame, on retrouve Simone et Joshua. Des frissons sous la peau et une tension culturelle omniprésente accompagnent les déboires de ces deux jeunes personnages bien différents, pourtant rassemblés par un étrange amalgame de circonstances pour que la justice puisse triompher.
Grâce à de riches descriptions et à une chronologie rigoureuse, Samson éblouit par la facilité déconcertante avec laquelle il fait ressentir les tensions palpables et le capharnaüm d’émotions qui bouleversent les personnages. Cette œuvre est une véritable ode à la solidarité, à l’amour et à l’importance de la camaraderie, en plus de mettre en lumière les injustices vécues par les femmes et les immigrants, broyés par un système injuste et profiteur.
Les yeux poursuivent une course effrénée entre les phrases parfois interminables qui peuplent ce roman. Il est même possible de se demander si le rythme indomptable des mots pourra tenir les lecteurs en haleine jusqu’à la fin. Les personnages, les sous-histoires et les lieux s’entremêlent au point qu’il peut devenir facile d’y perdre pied.
En somme, Le Mammouth transporte et subjugue par les innombrables obstacles qui se dressent devant les personnages, au détour de chaque coin de rue, de chaque carrefour. Les lecteurs chevronnés sauront s’y retrouver et retracer l’Histoire oubliée.
Lire les autres critiques sur les finalistes du Prix littéraire des collégiens :
« Se souvenir des blancs de mémoire » – Ténèbre de Paul Kawczak
http://indicebohemien.org/articles/2021/04/se-souvenir-des-blancs-de-memoire#.YJr192ZKg1I
« Chasser pour se trouver » – Chasse à l’homme de Sophie Létourneau
http://indicebohemien.org/articles/2021/04/chasser-pour-se-trouver#.YJr232ZKg1I
« En quête de l’équilibre » – Tireur embusqué de Jean-Pierre Gorkynian
http://indicebohemien.org/articles/2021/04/en-quete-de-lequilibre#.YJr082ZKg1I
« Pèlerinage de l’intime » – Une joie sans remède de Mélissa Grégoire
http://indicebohemien.org/articles/2021/04/pelerinage-de-lintime#.YJr1AmZKg1I