Portraits croqués à travers une fenêtre, cimes d’arbres qui se superposent dans un tableau abstrait, émotion secrète captée en vol et images fondues qui se transforment en tableau poétique : Christian Leduc est un photographe magicien dont le regard singulier a su faire sa marque et s’imposer.« Je suis attiré par les reflets. Les miroirs, les fenêtres, mais aussi tout ce qui peut intervenir entre le sujet et le regard. J’aime aussi chercher l’interrogation des gens », commence Christian Leduc.

Son premier appareil, un Kodak Ektra qui utilisait du film 110, lui a été donné vers l’âge de 10 ans par son parrain et sa marraine. « Ma mère ne comprenait pas toujours les photos que je faisais… disons que c’était souvent bizarre », avoue-t-il.« C’est drôle, parce qu’à cette époque, c’était aussi ma mère qui payait mes premières pellicules et mes développements photo. Elle s’est d’ailleurs demandé à un certain moment si elle devait continuer », se souvient Christian Leduc.L’investissement a néanmoins conduit l’apprenti photographe des premières heures vers une pratique professionnelle, après une formation en photographie au Cégep du Vieux Montréal.

UN CURIEUX RAPPORT À LA NATURE

Originaire de La Sarre, mais résidant aujourd’hui à Rouyn-Noranda, Christian Leduc se définit comme une personne urbanisée. « J’étais beaucoup trop social pour être dans le bois ». Il a tout de même développé, au fil du temps, un rapport personnel avec la nature. « Même en Abitibi-Témiscamingue, tous les gens ne sont pas des amoureux de la nature ou des grands espaces. On peut être très urbains, même en région. C’est “sur le tard” que j’ai trouvé la plénitude sur le bord de l’eau ou dans un milieu naturel. Aujourd’hui, ce sont des endroits où me reconnecter, me recentrer : c’est là que ça se passe », confie-t-il. 

Il faut dire également que l’environnement est un vaste terrain de jeu, où l’artiste peut laisser libre cours à sa fantaisie et dévier à sa guise les points de vue.« Une forêt est exceptionnelle de par sa multitude de couches. Les possibilités sont infinies. Tu te déplaces et tu vois autre chose. J’y perds mes repères physiques et mentaux je dirais ».

Les photos de Christian Leduc laissent derrière elles autant de teintes que d’impression. Tantôt en émerge une ambiance intrigante, une expression poétique ou simplement une beauté qui se révèle là où elle n’était pas attendue.« C’est sans doute mon côté peintre manqué qui ressort. J’ai toujours aimé les arts, mais j’aime vraiment l’art abstrait, la peinture. La photographie c’est très figuratif, j’aime y mettre un peu de magie. »

L’exposition Show de boucane de Christian Leduc fait notamment appel à cette magie. Dans un cadre très naturel, les photos montrent de la fumée et plongent les lieux dans une étrange atmosphère. « La fumée, comme le temps qui passe, est saisie, en une fraction de seconde. L’image arrêtée fait le point sur un moment précis qui ne sera plus, mais, qui donne l’heure juste. Nous vivons de plus en plus en regardant les autres, en nous oubliant, il faut maintenant prendre conscience de la chance que nous avons d’être présents », résume Christian Leduc en guise de présentation de cette exposition, qui a lieu à la galerie du Rift de Ville-Marie jusqu’au 25 avril. 

Ce temps qui file et qui s’évapore, Christian Leduc en fige des parcelles, mais il ne s’agit pas d’une course. Peut-être d’un certain travail de documentation du temps ou de ces instants auxquels il assiste.« J’ai lâché prise sur la carrière artistique, j’ai moins ce désir d’être exposé. Je laisse aller et les projets ne manquent pas. Je ne me sens plus dans l’urgence. J’aime surtout créer, dans le plaisir, sans perdre de vue ma famille, mes amis… ce qui est important. »


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.