C’est à la mode de vanter les bienfaits du téléenseignement. À en croire certains, un jour ou l’autre, tout le travail de pédagogue s’effectuera à distance! Bien avant la crise de la COVID-19, chaque cégep et chaque université engageait des spécialistes à cette mission : augmenter l’offre de formation à distance. Dans une région aussi étendue que la nôtre, pouvoir étudier de chez soi a beaucoup d’avantages. Voilà pourquoi, depuis quelques années, on s’efforce de créer de plus en plus de cours en ligne.
Le 13 mars dernier a catapulté le rêve du téléenseignement dans la réalité. Or, une enseignante, bien formée et équipée, qui donne un cours à distance à une personne ayant choisi ce moyen d’étudier est une chose. Faire tomber presque tout l’enseignement postsecondaire en mode virtuel en est une autre.
L’enseignante ou l’enseignant, à ce niveau, est spécialisé dans un domaine, le français par exemple, et apprend sur le tas l’art de transmettre ses connaissances. Parfois, des équipes soutiennent l’apprentissage du métier. Intéresser les élèves, leur communiquer un savoir, cela s’apprend. Toutefois, les captiver virtuellement est une tout autre affaire. Ce qui me frappe, lorsque j’échange avec mes collègues, ce sont leurs premières impressions : ça ne tourne pas rond. L’expression en présentiel, pour elles et eux, dissimule le fait que nous sommes loin de la normalité et que l’enseignement virtuel, n’est pas, présentement, le boute du boute si tant il le devient un jour.
Je connais une enseignante de français qui donne des cours, à distance, à des élèves de première année de cégep. Ces jeunes n’ont pas été en classe depuis mars dernier. Le contact est, pour mon amie, très difficile à réaliser. Elle déploie des efforts considérables afin de s’adapter. Maîtriser de nouveaux logiciels, s’assurer d’avoir un bureau à la maison, être loin des collègues, ne pas être en mesure de détecter le non–verbal et s’efforcer de faire une bonne performance sur ZOOM font partie de ses défis. Dans ce contexte, beaucoup de mes collègues angoissent, tout comme moi, à l’idée de ne pas arriver à soutenir comme il se doit ceux et celles qui feront notre avenir.
Être loin de ses semblables, devoir passer des heures devant son écran, ne pas voir accès aux professeurs comme il se devrait, s’adapter à différentes plateformes, passer du cégep à son ordinateur entre deux cours, en quelques minutes, avoir des bogues, des problèmes de concentration… Être face à soi-même sans les autres est une part de défis des élèves.
Cette pandémie se combat ensemble, chacun de notre côté. Tout le personnel des établissements d’enseignement supérieur de la région fait son possible dans les circonstances actuelles, tout comme les élèves que l’on s’efforce d’empêcher de décrocher. Cela n’a rien de virtuel…
Vivement le retour au passé et ses réconfortantes présences humaines en réalité réelle.