Pour mémoire, je vous rappelle que la présente chronique s’intitule Région intelligente. Pour discussion, je vous mentionne que je me sens de plus en plus à l’étroit avec cet intitulé. 

 

Comment se porte la notion de région? En mutation, je crois. Du moins si l’on réfère à la charge affective que nous avons investie dans cette notion de géographie humaine au fil des années. 

 

Bien sûr, je pourrais vous dire que c’est la faute de la COVID, mais ce serait un brin réducteur. Déjà, les régions du Québec, malmenées par les austères mesures du gouvernement Couillard il y a cinq ans et les coupes sombres dans leurs leviers de développement, en avaient pris pour leur rhume, si vous me permettez le jeu de mots. 

 

Et il est vrai que les régions deviennent actuellement la trame sur laquelle repose la codification de couleurs établie par la Santé publique du Québec et disons-le, cela impose un caractère restrictif à nos habitudes et par-delà la qualité de vie. Parlez-en aux gens du Bas-Saint-Laurent. 

 

Cette crise imprime aussi une impression de « sauve qui peut » et de « chacun pour soi » par l’exode des télétravailleurs vers les régions voisines de Montréal, Laurentides et autres. Cette migration n’est pas seulement le fait de la norme fixée de 25% d’employés présents dans les milieux de travail. Les tours de bureaux du centre-ville de Montréal seraient occupées à 15% seulement. Non, ce mouvement de masse indique surtout un refus du modèle d’économie de marché, à la sauvage. Cette dispersion apparemment profitable pour les régions pourrait-elle se retourner comme une crêpe? Deux indicateurs devraient préoccuper les tenants des avantages de la vie en région: les prix haussiers pour l’accession à la propriété et les conditions de travail et salariales des travailleurs à la maison. Parlez-en aux gens de Saint-Jovite, Mont-Tremblant maintenant. 

 

Parfois, la notion de région s’étire jusqu’à servir des intérêts particuliers parce que délestée d’un consensus social de ses habitants. On l’a vu en 2019 au Saguenay–Lac-Saint-Jean avec un mouvement d’appui au projet GNL Québec organisé par certains milieux politico-économiques et nommé Ma région j’y crois. À terme, on a peut-être ici un exemple de mise en opposition des concepts de participation citoyenne et de développement régional.  

 

J’ai toujours entretenu avec ce qu’il est convenu d’appeler la région de l’Abitibi-Témiscamingue une relation émotive, délicate. Quand tu es sur la route, au retour d’une rencontre de concertation entre Laniel et Ville-Marie un mardi soir de tempête hivernale, c’est que tu y crois à fond. Et je ne suis pas le seul à croire à l’engagement collectif comme soutien à l’idée de région. 

 

Mais aurions-nous tout faux? Après tout, la géographie de deuxième secondaire définit de façon bien rigoureuse ce qu’est le concept de région ou de territoire : Un territoire région est un espace humain et physique  se déroule une activité dominante (tourisme, exploitation des ressources naturelles, etc.) et qui est organisé le plus souvent autour dune ville principale en fonction de lexploitation de cette ressource. 

 

Même Pierre Larousse dans son Grand dictionnaire universel du XIXe siècle (1875), note que le mot vient du latin territorium, qui dérive de terra, « terre », qu’il s’agit d’une « étendue de pays qui ressortit à une autorité ou à une juridiction quelconque ». Encore là, pas de place pour les sentiments d’appartenance et la recherche du commun dénominateur. Alors qu’est-ce que la foisonnante langue française a d’autre à offrir au chroniqueur quasi-orphelin que je suis? 

 

Je pense avoir un beau filondont je vous fais part, chez le géographe Éric Dardel, dans son essai L’homme et la terre. Quelque chose qui concilie l’émotion géographique avec deux notions : espace et temps. « La “situation d’un homme, écrit-il, suppose un “espace” où il se “meut; un ensemble de relations et d’échanges; des directions et des distances qui fixent en quelque sorte le lieu de son existence. » 

 

Sources:

 

https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2020-09-13/le-teletravail-accelerateur-d-un-mouvement-de-dispersion-territoriale.php

https://www.journaldemontreal.com/2020/07/27/teletravail-les-economies-des-entreprises-sur-le-dos-des-employes

Un mouvement en appui aux grands projets

https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-2011-2-page-23.htm#no9


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