Étienne Jacques a reçu le confinement de plein fouet alors qu’il s’apprêtait à monter sur les planches le 13 mars dernier pour son spectacle musical Pionniers. Depuis, il s’est remis sur un autre projet entamé il y a deux ans avec deux autres comédiennes de Trois-Rivières et de Montréal. Ce nouveau projet s’intitule Bluff. Je l’ai rencontré en pleine répétition au Petit Théâtre du Vieux-Noranda.

Le questionnaire


 


F.A: Comment définis-tu le confinement?

É.J: C’est terrible parce que pour moi le confinement a été très difficile. Plus il avançait, plus c’était difficile de l’apprivoiser. Au début, il a amené une force créatrice, car c’était nouveau. On a vu plusieurs artistes en profiter pour créer. Mais pour moi, c’était très difficile à apprivoiser. J’aime créer avec les gens. Je ne pouvais pas le faire.

F.A: As-tu l’impression de l’avoir réussi?

É.J: Non, je trouve que j’aurais pu en profiter pour mener une plus grande réflexion. Il y a quand même des idées qui ont émergé, mais c’était difficile dans mon cas. J’avais une petite fille avec moi. C’était difficile de s’asseoir et de créer. Je n’ai donc pas eu le temps de réfléchir sur la situation pour faire naitre un projet.

F.A: Quelque chose que tu as appris?

É.J: C’est important et primordial pour moi de créer en compagnie des autres. Pour écrire une pièce de théâtre, j’ai besoin de solitude, mais il faut que je me mette en danger en présentant mon travail aux autres. Au début, il y a eu plein de nouvelles idées et de nouveaux procédés aussi. Les gens se sont mis à créer avec zoom par exemple. Chez moi, les idées arrivent lorsque je suis ailleurs. Par exemple, dans une nouvelle ville, un nouvel environnement. Je vais m’exiler et de nouvelles idées vont naitre. Dans une certaine mesure, la pandémie a créé une nouvelle situation pour faire naitre de nouvelles idées.

F.A: Comme le projet sur lequel tu travailles actuellement?

É.J: jEn ce moment, on est au Petit Théâtre. On travaille sur un projet de création connectée avec la station SCENIC. On est trois personnes isolées : l’une à Trois-Rivières, l’une à Montréal et moi ici. On monte un spectacle commun mais chacun dans un lieu différent. En période de pandémie, c’est le type de spectacle propice et parfait, ça représente bien la situation actuelle. Ça provoque beaucoup de réflexion sur notre solitude par exemple. Ça soulève beaucoup de questions : est-ce que je suis moi-même quand je suis avec les autres par médias interposés? Est-ce que t’existes pour de vrai? Comment t’es dans la vie? Est-ce que tu es pareil comme je te vois à l’cran ou t’es différent? On ne s’est jamais rencontrés, les personnes avec lesquelles je joue. Ce spectacle soulève ces questions-là. Donc c’est hyper pertinent. Ce spectacle va être diffusé de la façon suivante : on va inviter le public à Trois-Rivières, à Montréal et ici. Le public de Rouyn va pouvoir voir ce qui se passe à Trois-Rivières et à Montréal, mais il ne verra pas le même spectacle que les publics de Montréal et de Trois-Rivières. Parce que dans chaque ville, il y aura une personne différente sur scène. La perspective sera donc différente selon la personne qui sera en scène devant le public. De plus, toutes les scènes ne seront pas communément accessibles aux trois publics. Il serait techniquement possible pour les gens de voir trois shows différents. Pour l’instant, on prévoit la diffusion de ce projet en janvier 2021. Ça fait deux ans qu’on travaille là-dessus. À cause de la pandémie, on trouve que c’est très propice pour ce genre de spectacle.

A.F: Sur quel projet travaillerais-tu s’il y avait une autre période de confinement?

É.J: Je travaillerais sur la délation. Je ferais un show pour les adolescents sur la délation. On a appris que la police était débordée d’appels à cause de gens qui voulaient dénoncer leurs voisins. Je suis en train de lire un livre aussi sur la RDA où on voit ce problème. Je resterais avec cette idée-là.

Photo: Cécilia Gauffre


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