Pierre Labrèche est conteur et récipiendaire du Prix du public 2020 des Prix d’excellence en arts et culture de l’Abitibi-Témiscamingue. Il prépare son prochain spectacle Homme de lettres, titre éponyme de son livre publié l’an dernier. Il lit, il crée, il philosophe, il s’émerveille des beautés de sa campagne. À l’entendre, je crois qu’il aurait fait plaisir à Hölderlin, car il habite son coin de pays en poète. Habiter son monde en poète, c’est cultiver une éthique de poète, vivre à son rythme. Pierre fait tout ça, même s’il est parfois obsédé par le temps. En cela, il ne fait que s’inscrire dans la longue tradition philosophique ouverte par Héraclite.        

F. A: Pour toi, le confinement, c’est…

P.L : Pour moi, le confinement c’est une pause de tout ce qui bouge trop vite. C’est un moment propice pour prendre la mesure de plusieurs aspects de ma vie et pour reconfirmer ce qui est important pour moi, pour mon milieu de vie et pour la société dans laquelle on évolue. J’espère que cette période sera l’occasion de repartir sur de nouvelles bases pour tout ce qu’on aura identifié comme vraiment prioritaire…

F. A: As-tu l’impression de réussir ton confinement?

P. L: C’est une drôle de question! Mais oui, je pense que je le réussis très bien. Dans mon cas, il y a plusieurs choses qui n’ont pas vraiment changé. Dans la vie en général, je suis à la maison et je travaille sur des projets de création… C’est sûr qu’actuellement toute la partie diffusion est arrêtée. Il n’y a plus d’ateliers dans les écoles et je ne suis pas à préparer ma participation à des festivals de conte. Le rythme est donc différent. D’habitude, j’ai aussi beaucoup d’implications sociales, culturelles et communautaires. Comme tout est en pause, je me sens moins pressé par le temps.

Je vis en campagne dans un environnement magnifique. Mon quotidien est fait d’allers-retours entre dedans et dehors! Au début du confinement, c’était encore l’hiver et j’allais marcher dans le bois et dans le rang comme je le fais toujours. J’avais aussi des travaux à finir dans la maison

Depuis que le printemps est arrivé, je suis dehors à préparer le jardin et à bizouner sur le terrain! Le bonheur!

F. A: C’est quoi une journée réussie pour toi en période de confinement?

P. L: Je dirais que c’est quand je réussis à respecter un horaire pour arriver à jongler avec toutes les choses à faire. J’aime que ma journée soit une valse à trois temps! Le matin, j’adore être dans ma bulle de création. J’écris, je rêvasse…

L’après-midi, je prends l’air en travaillant… J’ai été facteur pendant 30 ans, j’ai besoin d’être dehors ! Je suis un heureux jardinier! Je suis bien dans mon jardin! Le soir, je gratouille ma guitare, je lis, je regarde des documentaires, et ma blonde et moi on se fait une bonne bouffe.

F.A: As-tu le moral?

P.L : Oui, tout à fait! J’ai le privilège de travailler sur mon prochain spectacle Homme de lettres, tiré du livre que j’ai publié l’an dernier. J’ai obtenu une bourse du CALQ et de la MRC d’Abitibi pour le faire. C’est certain que pour le moment il y a plein de flou sur ce que sera la suite (le travail avec les collaborateurs et la diffusion) mais actuellement, j’avance avec bonheur…

En fait, je me suis aperçu que quand la pause forcée est arrivée, j’étais très fatigué par toutes les activités professionnelles et personnelles des dernières années. Les deux mois de confinement m’ont permis, tout en continuant à être actif, de recharger mes batteries et ça a fait beaucoup de bien!

F. A: Quelque chose que tu ne peux plus faire depuis le confinement mais que tu as hâte de pouvoir refaire?

P. L: Aller à la rencontre des gens. Pour moi, le conte, c’est la rencontre! Je suis un artiste des arts vivants! J’ai très hâte de pouvoir recommencer à conter avec des spectateurs devant moi! Je participe à des projets sur le web mais le virtuel a ses limites! Le contact n’y est pas. Et puis, bien sûr, je m’ennuie des soupers avec les amis et la famille. Se retrouver, faire des parties de


pétanque et chanter en gang…On est une bande de copains qui chantent ensemble de façon régulière et ça, ça me manque!

F. A: Quelque chose que tu regrettes de n’avoir pas fait avant le confinement?

P. L: Ce ne sont pas des regrets car ça ne donne pas grand-chose de toute manière. Mais au moment où le confinement est arrivé, je m’apprêtais à partir faire une résidence de création de conte d’un mois à St-Élie-de-Caxton. Ce projet unique, piloté par le Regroupement du conte au Québec, n’arrive qu’une fois par année. C’est une magnifique opportunité de rencontres et de travail artistique. J’espère juste que ce n’est que partie remise.

F. A: Quelque chose que tu as appris depuis le confinement?

P. L: Je dirais que je le savais déjà, mais que le confinement a renforcé le sentiment qu’il faut vraiment vivre pleinement le moment présent. Aimer les gens qui nous sont chers. Aimer la vie et le dire. Apprécier tous les moments de bonheur et le quotidien qui les fait vivre. Accessoirement, sur un plan tout à fait terre à terre, j’ai découvert qu’on peut aussi se faire des rencontres virtuelles avec celles et ceux qui sont loin!

F. A: Quelque chose que tu as découvert chez toi depuis le confinement?

P. L: Ça aussi je le savais déjà, mais je suis bien chez moi. Je suis un paysan dans son sens le plus noble et beau. Par contre, j’ai découvert que même si j’ai plus de temps, je n’en ai jamais assez!!! J’ai tellement d’idées et de projets! Si ce confinement peut juste me faire prendre conscience de vivre le moment présent, ce sera un magnifique enseignement.

F. A: Une lecture, un film ou une chanson pour personnes confinées?

Depuis le début du confinement, j’ai replongé dans le cinéma documentaire… Je m’intéresse à ce qui touche la terre, la paysannerie, les jardins, la vie quotidienne, les films de Pierre Perreault et j’en passe. J’ai aussi pris du temps pour lire des contes, car j’ai plein de beaux livres remplis de


belles histoires. Alors je grapille une légende par-ci, un récit par-là! Et j’ai aussi relu presque tous les Astérix! Par Toutatis!

Photo: Charlène Gilbert


Auteur/trice