La scène se passe au souper du jour de l’an. Notre famille avance en âge et il n’y a plus d’enfants autour de la table. La plus jeune vient d’avoir 14 ans. Ainsi, désormais, les générations se mêlent et nos échanges se ravivent. 

 

La table est constellée de produits régionaux. Du pain de blé cultivé et moulu ici, des viandes sauvages, des fromages, du lait aussi, des épices et des légumes du jardin, des bières de nos microbrasseries… J’en oublie, c’est certain. Notre hôte s’acharne à l’achat local et s’approvisionne presque toujours auprès des producteurs. Ce menu m’impressionne, et pourtant, il y a soixante ans, personne n’aurait été surpris de l’origine de ces plats. 

 

À un moment, la politique prend la vedette des conversations. La majorité des jeunes se désolent du peu de place que le nouveau gouvernement caquiste fait à l’urgence climatique. Après quelques blagues sur la ministre de l’Environnement [1], on passe aux moyens à prendre pour sauver la planète. Tout le monde y va de sa solution, mais la cadette tranche : « Vous ne comprenez pas, c’est tout le système qu’il faut changer! On la mange, la planète! Pour simplement retarder le désastre, il va falloir voyager en autobus, ne plus consommer de plastique, lâcher nos appareils électroniques et arrêter de dépenser de l’énergie pour sortir de l’or qui ne sert presque qu’à spéculer. C’est simple : on devrait vivre comme il y a cent ans. » 

 

Le silence écrase la fête… assez longtemps pour comprendre que tout le monde est d’accord avec cet appel. Mais comment faire? Par où commencer? Et qui est prêt? Heureusement, on passe à Justin Trudeau et la source du malaise sort prendre l’air avec son cousin. 

 

Je vais dehors à mon tour pour marcher sur la neige et réfléchir au défi incontournable auquel nous sommes confrontés. Et il me vient à l’esprit que le premier pas à franchir, abordable pour plusieurs d’entre nous, se trouve dans nos assiettes. Manger tout ce qu’il nous est possible de produire chez nous! Ce menu nous permet de :

–       couper la distance d’avec les producteurs, car le bœuf du Brésil ou les légumes de Californie coûtent cher en pétrole;

–       faire vivre des gens ici et avoir plus de contacts humains en ces temps de solitude;

–       savoir vraiment ce qu’on mange;

–       garder l’argent chez nous et miser sur nos forces [2];

–       préparer l’avenir ensemble, simplement en nous nourrissant;

–       se faire confiance et être fiers de ce pas… qui doit être suivi des autres pas.

 

Bon appétit et bonne année!

[1] MarieChantal Chassé s’est fait remarquer pour sa difficulté à communiquer. Au moment d’écrire ces lignes, elle venait d’être remplacée par Benoît Charrette.

[2] On appelle cela de l’économie endogène : un développement local, qui vient de nous.


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