Donald Trump avait choqué tout le monde en 2016 quand il avait promis son fameux mur entre son pays et le Mexique. Surtout qu’il souhaitait le faire payer par les Mexicains eux-mêmes! On peut en rire. Mais il reste, qu’on le veuille ou non, que cette promesse s’inscrivait – et s’inscrit toujours – dans l’air du temps. Pourtant, en ces temps de migrations, de mouvements, d’échanges et de mélanges, les murs semblent obsolètes. Voilà une idée du passé! Le mur de Berlin, symbole d’un monde coupé en deux blocs, est tombé en 1989, pavant la voie à une mondialisation de plus en plus effrénée et à des rêves de paix et de solidarité mondiale qui, depuis, s’effritent.

 

Trump n’est pas un précurseur. Les murs se dressent et se dresseront. Partout. À Chypre, pour séparer Grecs et Turcs. En Israël, pour isoler les Palestiniens. Entre la Hongrie et la Serbie, entre la Bulgarie et la Turquie. Entre l’Espagne et le Maroc. La liste n’est pas complète. Elle serait trop longue. Ces murs existent pour se protéger, pour limiter les flux et les déplacements. Quand les frontières semblent disparaitre, elles deviennent béton et barbelés…

 

Des murs entre pays, certes, mais aussi au sein même des villes. Entre citoyens! Appelons cela des quartiers sécurisés, des gated communities. Ce sont des secteurs urbains blindés. Totalement isolés par des clôtures, surveillés par des caméras et des portails gardés. Ils poussent comme des champignons aux États-Unis, mais aussi en France, entre autres dans de bonnes villes de gauche qui votent Macron le mondialiste et carburent à l’amour du prochain… Les gens veulent protéger leur famille et leurs biens. On se met à l’abri de la jungle urbaine. Hacène Belmessous, chercheur-urbaniste, l’explique bien : « Qu’ils soient ingénieurs, chercheurs, architectes ou journalistes, ces corps de métier ont fait le choix de la sécession urbaine au nom d’un “entre-soi”, abandonnant l’espace public aux plus pauvres, ceux qui font peur parce qu’ils n’ont pas su prendre le train de la mondialisation. »

 

Tout le contraire de la ville. La ville permet les hasards et les rencontres imprévues. Le message des habitants planqués est fort : nous voulons de l’homogénéité et de la sécurité. « Le vivre-ensemble, c’est pour les autres. » Les pauvres ou ceux qui ne peuvent que le subir, peut-être.

 

Et il y a d’autres murs. Sans briques. Plus insidieux. Des murs dans les têtes, faits de concepts fumeux. Comme celui de l’appropriation culturelle, qu’on nous sert depuis des mois. On vantait pourtant la diversité, on en appelait au métissage, au mélange des cultures et des couleurs. Pourtant, on reconstruit des espaces clos. La cohésion sociale ne peut pas se baser sur le tribalisme et la ghettoïsation, deux murs à abattre au plus vite. Sinon, qu’on le dise haut et fort : chacun chez soi, chacun pour soi! On cessera alors de se casser la tête pour intégrer les nouveaux arrivants. Le vivre-ensemble, si cher aux guerriers de la justice sociale, restera un mythe et un rêve.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.