Dans la nuit du 28 juin 1969, au Stonewall Inn de New York, des émeutes éclatent. Elles seront considérées plus tard comme l’évènement clé de l’éclosion du mouvement militant LGBTQ+. Aujourd’hui encore, le mariage homosexuel, le droit des personnes transgenres, la dépénalisation de l’homosexualité et plusieurs autres sujets similaires font partie de nombreux débats politiques à travers le monde. Bien que la situation se soit améliorée, chaque victoire est importante. Qu’en est-il de la situation dans les régions éloignées? Il serait impossible d’aborder le sujet de l’évolution du mouvement LGBTQ+ en Abitibi-Témiscamingue sans souligner le travail d’un homme de la région, Denis Lord, alias Lit Queen. 

 

SORTIR DE L’OMBRE

Le 8 décembre 1995, Denis et sa sœur Rachel ouvrent la Station D à Rouyn-Noranda. Ce bar, qui se voulait représentatif des bars de style entrepôt underground à Montréal, deviendra en avril 1996 le premier et seul bar LGBTQ+ ouvert à tous qu’aura connu la région. Ce lieu a joué un rôle névralgique pour la communauté de l’époque qui cherchait à se réunir en organisant des soirées secrètes dans des salles louées ici et là. Pendant ses nombreuses années comme membre actif de la communauté, Denis Lord a permis de briser l’isolement de plusieurs personnes et de changer les mentalités. En établissant de nombreux partenariats d’affaires, il a permis la réalisation de plusieurs projets, spectacles et attraits touristiques offerts aux membres de la communauté LGBTQ+. « Au début, il y avait des gens qui ne sortaient pas à la Station parce qu’elle avait pignon sur rue. Il n’y avait pas de petite porte dans la ruelle. Il fallait se dire “OK, je rentre là, il faut que je m’assume!” » se rappelle Jean-François Cossette, drag queen. 

 

C’est d’ailleurs à la Station D que le public a pu assister aux premiers spectacles de drag queens avec Madame D (aujourd’hui Lit Queen), Madame Claude et Phoenix Mockingbird. Rappelons que les drag queens ont été dans les premières à sortir pour défendre les droits des LGBTQ+ lors des émeutes de Stonewall. Les couleurs du drapeau étaient affichées fièrement à la Station D. « Je ne veux pas être sur un piédestal. Je voulais prendre ma place, j’avais le droit d’afficher mes couleurs. Aujourd’hui, je suis content du chemin que nous avons fait », confie Denis Lord. 

 

UN LEGS QUI SE POURSUIT

Malgré la fermeture de la Station D en 2007, des acteurs de la communauté sont toujours très actifs. C’est le cas de la Coalition d’aide à la diversité sexuelle qui offre des groupes de discussion pour se retrouver et créer des liens. Les spectacles de drag queens sont bien présents dans la région. Le groupe Une femme et demie ainsi que le populaire spectacle Lit Queen revient se font un devoir de divertir et de créer des évènements rassembleurs. « Quand j’ai ouvert le bar, je voulais être fier et je voulais que la communauté le soit. Il y a encore des petites villes qui n’ont pas la même ouverture que ce que l’on trouve dans la région. J’y retourne tout le temps. J’aime voir ma ville. J’aime voir mon monde. J’aime voir la vie de cette ville évoluer », affirme Denis Lord, qui vit maintenant à l’extérieur de l’Abitibi-Témiscamingue. 

 

Bien qu’aujourd’hui la Station D ne soit plus active, de nombreuses personnes se rappellent cet endroit ayant permis l’émancipation du mouvement LGBTQ+ dans la région. C’est grâce à ces gens qui laissent leur trace et qui se tiennent debout, comme l’a fait Denis Lord, que nous avons la chance aujourd’hui de pouvoir afficher fièrement nos couleurs lors de nombreux évènements en Abitibi-Témiscamingue. 

 

Denis Lord sera de retour les 28 et 29 septembre prochains pour présenter la 8e mouture du spectacle à grand déploiement Lit Queen revient, mettant entre autres en vedette les drag queens Peach et Franky Dee ainsi que la chanteuse Joan Bluteau, reconnue internationalement pour son interprétation du personnage de Dalida.


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