Ah, la vie d’artiste… Cette petite phrase que l’on utilise parfois pour décrire ce qui étonne, ce qui sort de l’ordinaire, ce qu’il y a de beau ou de bon. Mais la vraie vie d’artiste est parfois déroutante et parvient même à surprendre les artistes eux-mêmes. C’est un peu ce qu’ont livré Laurence Jalbert et Paul Daraîche lors de leur dernière visite en Abitibi, une région avec qui leur a donné des souvenirs marquants.

En début de carrière, Paul Daraîche s’est retrouvé en Abitibi-Ouest pour chanter… et au détour, il a plutôt fait le train, alors que Laurence Jalbert a expliqué comment sa chanson Encore et encore est étroitement liée à Val-d’Or et qu’elle conserve toujours avec elle un rappel de ce lien bien particulier.

Les deux chanteurs bien connus du public ont doublé leur plaisir dans la région en participant au Festival des Guitares du Monde et au Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue. Avant d’aller pousser la note au Cabaret de la dernière chance, accompagnés du guitariste rouynorandien Yves Savard, ils ont présenté leurs livres La rédemption (Paul Daraîche) et À la vie, à la mer (Laurence Jalbert). C’est dans ces deux livres que leurs anecdotes régionales sont racontées.

Daraîche, guitariste à l’étable

Pour Paul Daraîche, c’était dans les années 1960. Il était alors tout jeune guitariste et avait été recruté par un groupe nommé Les loups blancs. Sans trop hésiter, il s’était joint à eux et avait quitté Montréal pour La Reine. Avant d’arriver à destination, le petit groupe avait fait un arrêt au restaurant La Chaumière.

« Le propriétaire a vite vu qu’on était pas de la place », a raconté Paul Daraîche.

Le propriétaire en question, Jean-Claude Hamel, leur a proposé d’animer des soirées à son restaurant.

« Mais on a dit non parce que nous étions attendus à La Reine, où on devait être hébergés. »

L’hébergement les attendait, mais l’arrangement comportait un petit imprévu.

« Le lendemain matin, on devait tous faire le train », lance-t-il, et à son sourire, on devine que le lever matinal avait dû être difficile pour les jeunes musiciens.

« Alors on est vite retourné à La Sarre et on a accepté l’offre de Jean-Claude Hamel », a-t-il résumé.

Laurence touchée par un drame à Val-d’Or

Au début des années 1990, Laurence Jalbert amorce une tournée avec à peine 11 chansons en main. « C’est trop peu pour une tournée, il fallait écrire du matériel pour compléter », confie-t-elle.

La chanteuse avait une cassette avec une série de morceaux incomplets, dont une ébauche, loin d’être terminée, qui comprenait le refrain « encore et encore ». Bien qu’il y avait plusieurs autres chansons plus avancées, c’est celle-là que les musiciens ont décidé de travailler. Au grand désarroi de Laurence Jalbert, qui la jugeait trop peu développée.

Puis elle arriva à Val-d’Or alors que se déroulait le procès de Sandra Gaudet, une adolescente de 14 ans qui avait été sauvagement agressée avant que son corps ne soit laissé dans un banc de neige.

« C’était partout. Tout le monde ne parlait que de ça… et moi j’étais là pour livrer un spectacle », a-t-elle raconté, décontenancée, cherchant un sens à sa présence avec cet évènement dramatique en arrière-plan.

Avec l’accord des parents, elle a décidé de compléter sa chanson et de la dédier, ce soir-là, à la mémoire de la jeune Sandra. La chanson a abondamment retenti, mais toujours ébranlée par cette agression, Laurence Jalbert a gardé contact avec la famille et demandé des nouvelles du procès.

« Les parents m’ont envoyé des découpures de presse et dans l’enveloppe, il y avait aussi une photocopie de la première page du journal intime de leur fille. Elle avait donné un titre à son journal et ce titre était Encore et encore. Je n’en revenais pas », a expliqué la chanteuse qui dit croire à une forme de synchronisme parfois, comme si les hasards n’en étaient pas toujours.

Encore aujourd’hui, Laurence Jalbert conserve avec elle la photo de la jeune Sandra. Deux personnes avaient été arrêtées et condamnées pour ce crime sordide, mais en 2006, l’un des deux hommes a été acquitté et l’autre a été libéré. Le meurtre de l’adolescente n’a pas encore été élucidé.


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.