Lors du passage à Rouyn-Noranda il y a quelques semaines de la tournée Faut qu’on se parle, une intervention venue de la salle a porté sur l’usage même du mot région.

Ne devrait-on pas davantage parler de territoire? Malgré la présence d’un public allumé et volubile à souhait, la question est resté pending… C’est le propre des bonnes questions lorsqu’elles nécessitent un certain mûrissement avant d’y répondre.

Bon, il serait temps de se jouer la musique thème de la chronique d’aujourd’hui. Vous savez, j’insiste vraiment pour que vous fassiez une écoute de la musique choisie ici car cette chronique est multiplateforme! Donc, à vos microsillons : voici M. Jacques Brel et Le plat pays.

Jacques Brel, parce qu’il est Belge et que la Belgique, surtout la Wallonnie, a fait l’actualité récemment en bloquant des quatre roues l’accord de libre-échange Canada-Union européenne.

Mais en réalité, c’est surtout que la Belgique de Brel élabore actuellement un modèle de développement dit Intelligence territoriale et qui mérite qu’on s’y arrête pour amorcer un début de réflexion sur la pertinence des termes région ou territoire.

Pour eux, trois types d’enjeux s’entrechoquent, à la façon des plaques tectoniques qui forment la croûte terrestre. D’abord, il y a les régions qui s’affirment et expriment leur volonté de maîtriser leur territoire. Ensuite, il y a, chez eux, des projets de territoires qui émergent…

  • À une échelle que l’on peut qualifier de stratégique
  • À une échelle intermédiaire entre la commune et la région
  • Comme alternative au découpage napoléonien en départements et en provinces?

Finalement, on trouve des territoires de projet en dynamique permanente et des dispositifs d’encouragement nombreux et « chaotiques ».

Y a-t-il là quelque chose pour nous, de l’Abitibi-Témiscamingue?

La première plaque, celle de la maîtrise du territoire à l’échelle d’une région, ressemble terriblement à nos projets collectifs d’assurer l’exploitation des ressources en vertu des valeurs inscrites dans nos plans de développement régionaux. Ai-je besoin de rappeler que le gouvernement du Québec avait consenti à une certaine époque de céder à la région les lots publics épars pour en faire la mise en valeur ? Note de l’auteur : on dirait que cela s’est produit il y a 100 ans et pourtant, il n’y a pas si longtemps les régions peuvent être un interlocuteur du gouvernement du Québec. Soupir.

La seconde plaque concerne la possibilité de déborder du cadre rigide des limites administratives pour faire des alliances stratégiques avec les voisins (lire autres régions) sur des projets communs et ponctuels. Ça pourrait être un pacte avec la Haute-Côte-Nord sur un projet d’agriculture nordique.

Géométrie variable, mettons.

Quant à la troisième, elle obligerait les différents ordres de gouvernement à reconnaître de façon permanente et à encourager de manière officielle les initiatives issues des territoires. On parle ici de sortir des programmes normés pour les remplacer par une gouvernance de proximité. On la souhaitera citoyenne, cette gouvernance. En passant, sortir des programmes normés, ça ne veut pas dire descendre les responsabilités dans les territoires et garder l’argent à Québec. Juste pour qu’il n’y ait pas de confusion, là.

Selon une logique toute autochtone, celle des chasseurs-cueilleurs, le territoire est source d’opportunité à la condition d’être prêt à suivre les chemins que le pays t’indique. Lui seul sait.


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