Olivier Lalancette sort tout juste de l’université. Talentueux et ambitieux, il s’est exilé à Montréal pour étudier sa passion : le jeu. Il n’est ni le premier ni le dernier à le faire. La région 08, elle est éloignée, et traverser le parc pour se rendre à une répétition, ce n’est pas plus écologique que pratique !

 

Aujourd’hui diplômé de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, le jeune comédien de 22 ans dit vouloir pratiquer ce métier qu’est de devenir quelqu’un d’autre depuis son plus jeune âge. « On m’a souvent demandé pourquoi j’ai voulu devenir comédien et j’ai réfléchi longtemps avant de trouver la réponse la plus synthétique. “C’est parce que je voulais être Batman !”, ou une tortue ninja, un pirate, un cowboy, un chevalier. Ces personnages venant tous de la télé ou du cinéma, logiquement, j’allais devenir comédien. »

 

Le désir réel lui est arrivé plus tard. « C’est lorsque j’ai réalisé que je pouvais jouer à faire semblant d’être quelqu’un d’autre, très jeune, que j’ai vraiment commencé à prendre conscience de ce que je voulais faire pour gagner ma vie. Aujourd’hui, je réalise que j’apprends beaucoup plus à me connaître qu’à être quelqu’un d’autre lorsque je suis sur scène », nous dit-il. « J’ai réalisé très jeune que j’allais devoir quitter la région pour être formé dans une école de théâtre professionnel. Mon deuil de la maison s’est étalé sur plusieurs années, si bien qu’à la fin du secondaire, il s’agissait beaucoup plus d’excitation que de peine. » Avec du recul, il dit réaliser qu’il y a probablement un lien de cause à effet avec son acceptation dans une école supérieure de théâtre, deux ans après avoir quitté le nid. « Je ne pense pas que mon talent se serait suffisamment développé si je n’avais pas quitté le nid familial à 17 ans. J’aurais auditionné pendant des années s’il avait fallu. À force, j’aurais sûrement fini par entrer dans une école, mais j’aurais essayé encore et encore puisqu’il n’y avait qu’une seule réalité, un seul plan. Encore aujourd’hui, je n’ai pas de plan B. »

 

Le questionnant sur son cheminement et sa façon d’envisager l’avenir, je lui demande s’il partait vers Montréal pour y rester, ou s’il gardait une porte ouverte à un éventuel retour. S’il envisageait possible une carrière dans son domaine ici, en Abitibi-Témiscamingue.

 

« Quand j’ai quitté, mon appartenance à la région est morte sur le coup. On dit pourtant qu’on ne peut sortir l’Abitibi du gars… Je n’ai simplement pas de sentiment d’appartenance à l’Abitibi ni au le Saguenay où j’ai habité pendant mes deux années de cégep, et pas plus pour Montréal. Il faut dire que mes amis se sont presque tous “exilés”, pour utiliser ton vocabulaire, aux quatre coins de la province. Nous étions tous un peu marginaux à l’école secondaire. Nous n’étions pas populaires. Certains ont vécu le rejet et la violence des autres. Je ne peux pas parler pour eux, mais je comprends aujourd’hui que c’est à eux que j’appartenais, et je leur appartiens encore. Je leur appartiens à eux ainsi qu’à ces nouveaux frères et ces nouvelles sœurs que j’ai rencontrés depuis mon départ en 2011. Je suis enfant unique, la notion de famille en amitié pour moi est donc très importante. Je ne me sens chez moi seulement que lorsque je me retrouve dans les bras d’un ami. En quelque sorte, je n’ai jamais quitté la maison, puisque partout où j’ai vécu, il y avait des gens pour m’entourer. »

 

Passionné et dénué d’appartenance géographique, il dit vouloir jouer et raconter des histoires dans tous les médiums qui existent, si possible, partout dans le monde. « L’envers du décor m’appelle autant que le jeu. Pour l’instant, je me concentre à la mise en scène et à l’écriture théâtrale, mais je veux toucher à tout. J’envie même parfois les scénographes pour leurs connaissances et leur capacité à prendre une scène, la transformer et nous transporter sans trop d’artifices. Si je veux faire de la création et toucher à toutes les facettes du théâtre, c’est parce que je crois que la scène est un lieu magique qui nous aide à survivre au monde réel. Quand je regarde les étoiles, je ne comprends pas du tout la raison de notre existence, mais la scène me permet au moins de faire vivre mes rêves dans l’espace. Ça me rend tellement triste de voir que le théâtre disparait de la culture populaire et de l’éducation. Évidemment, tant qu’on continuera à enseigner Les belles sœurs dans les écoles secondaires comme si c’était le seul monument important de la dramaturgie québécoise, ce sera difficile d’assurer la relève. Je comprends qu’un adolescent qui n’a jamais assisté à une pièce de théâtre de son époque n’en ait rien à foutre d’une pièce qui était d’actualité il y a 60 ans. »

 

Me questionnant sur sa vision de la région, j’ai demandé à Olivier s’il était réaliste à ses yeux d’envisager vivre de son art en région et être épanoui. « Le besoin d’épanouissement est différent d’une personne à l’autre. Je pense que je suis à la bonne place ici, à Montréal. Je ne peux m’empêcher de penser à Mylène Baril-Mantha qui se réinstalle en Abitibi pour y vivre de théâtre. Elle est une des rares qui choisissent la région. Cette jeune artiste est un diamant brut pour la région et j’espère que les Abitibiens s’en rendront vite compte. Il faut consommer la culture locale. C’est tellement important. On passe nos vies à investir dans des multinationales sans importance. Sacrifiez donc trois McDonald pour vous payer une pièce de théâtre, votre argent aura alors un impact immédiat sur votre entourage. » \


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