La 8e édition de la Biennale d’art performatif de Rouyn-Noranda s’est clôturée ce samedi 15 octobre à L’Écart, lieu d’art actuel avec les performances de Ola Maciejewska (Paris/Pays-Bas), de John G. Boehme (Victoria) et de Terrance Houle (Calgary), suivis d’un concert du duo Mingo L’Indien et Nunu Métal. Comme on l’aura compris, les artistes qui se sont produits lors de cette dernière édition débutée le 12 octobre reflètent la diversité et la richesse de la programmation. Indisponible pendant les trois premières soirées, je n’ai pu assister qu’à la dernière. À défaut de pouvoir faire une critique objective et pertinente des performances des artistes, parce que je n’y ai pigé que dalle, je vais livrer ici mes impressions sur le public, authentique et hétérogène, qui fourmillait à L’Écart. Car debout contre le mur, j’ai promené mon regard sur ces visages radieux et j’ai décidé d’assister à une performance dans la performance.

 

Inventé au début du 20e siècle par les dadaïstes, une bande de joyeux énergumènes à l’esprit mutin et irrévérencieux, l’art performatif sollicite le corps du performeur pour créer l’œuvre, éphémère, absurde, dérangeante, anticonformiste. Le corps en action ou en situation devient œuvre d’art le temps de la performance. Ce qui frappe dans les performances, c’est que les performeurs font tout et n’importe quoi, ce qui évoque l’esprit dada. Celles qu’on a vues samedi soir n’ont pas échappé à la règle. Cela peut choquer, déranger, déstabiliser, mais aussi émouvoir, transformer, surprendre. De tous ces verbes, j’ignore lequel utiliser pour exprimer ce que le public de L’Écart a ressenti samedi soir, mais j’ai observé qu’il était présent, réceptif, bienveillant, respectueux et que sais-je !

 

C’est que le public de Rouyn-Noranda chouchoute les artistes, qui le lui rendent bien. Avant la première performance de samedi soir, certains spectateurs fumaient une dernière clope en papotant sur le trottoir. D’autres, plus nombreux, bavardaient à l’intérieur, en buvant du vin et de la bière. Geneviève et Matthieu, en hôtes respectables qui savent vivre, papillonnaient pour s’assurer que tout était correct, distribuant un mot gentil, deux bisous, une poignée de main et une tape dans le dos. Aussitôt le signal donné par l’animateur de la soirée, le public s’est dirigé dans la grande salle du fond tandis que la performeuse entrait en scène. Il y a eu ce silence ouaté et enveloppant, et on pouvait entendre le souffle saccadé de la performeuse caresser la salle. Le public s’est accroché à chaque mouvement de la performeuse dans une attente progressivement remplie par le déroulement d’un tissu noir. La performeuse, sortie de son rôle, lui a donné le signal, avec un sourire reconnaissant, et les applaudissements, sincères et chaleureux, ont fusé. Le public n’a pas dérogé à ses bonnes manières durant le reste de la soirée, riant de bon cœur quand c’était nécessaire, se montrant magnanime, admiratif, attentif.     

 

Ce public connaît la valeur de l’art et lui témoigne un grand respect. Il va à la rencontre des artistes et des œuvres, les bras tendus, le cœur ouvert. On ne sort jamais indemne d’une rencontre avec une œuvre artistique ou littéraire. Moi, hier soir, je suis sorti de ma rencontre avec le public de Rouyn-Noranda changé. C’est à croire que ce public est une œuvre d’art. \


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