Un couple de jeunes cinéastes des Îles-de-la-Madeleine, Céline Lafrance et Sylvio Bénard, eurent vent d’une saga toute particulière. En 1941 et en 1942, deux contingents de 14 et 13 familles totalisant plus de 200 personnes sont amenés des Îles-de-la-Madeleine à l’Île Nepawa, à la limite ouest de l’Abitibi : une aventure extraordinaire digne des meilleurs romans du Far West !
Bien documentés, pendant deux ans, les cinéastes ont contacté les témoins encore capables de raconter leur aventure. Ils ont visité l’Abitibi à deux reprises, filmé plus de quarante heures de témoignages, de souvenirs, d’anecdotes évoqués par des Madelinots avec leur accent typique et leur humour parfois mordant, au rappel des promesses non tenues du gouvernement. C’est avec doigté et sensibilité qu’ils ont condensé le tout dans un documentaire de soixante-douze minutes pour relater cet autre épisode de la colonisation de l’Abitibi : Des Îles de la Madeleine à l’Île Nepawa.
En pleine guerre mondiale, la pêche ne suffit plus à faire vivre les nombreuses familles des Îles-de-la-Madeleine. Émus de leur détresse, les curés entreprennent des démarches auprès des autorités. Le ministère de la Colonisation échafaude le plan de transplanter des volontaires en Abitibi, tout particulièrement à l’Île Nepawa et au rang Hébécourt à Roquemaure, où les terres sont fertiles, les forêts abondantes, le microclimat favorable à l’agriculture et, pensait-on, le grand lac Abitibi rappellerait aux exilés leur Saint-Laurent natal.
En septembre, hommes, femmes, enfants et bagages naviguent sur le Lovatt jusqu’à Pictou en Nouvelle-Écosse, puis prennent le train jusqu’à Québec. Une petite visite de la ville et du zoo et hop ! repartis vers l’Abitibi. Après vingt heures de tangage dans des wagons spécialement réservés pour eux, ils descendent à la gare de La Sarre. Après quelques achats de première nécessité, l’autobus repart, direction Clerval. Puis sur un chaland, ils contournent l’Île Nepawa, salués par les Darveau, déjà installés sur le bord du passage entre l’île et la terre ferme, là où sera bâti le futur pont. Ils arrivent en pleine noirceur, guidés par les signaux d’un fanal.
Mais, au lieu d’y trouver une route carrossable et une maison habitable comme on le leur avait promis, ils doivent marcher péniblement dans la boue où quelques camps en bois rond les attendent. Le lendemain, aussitôt les lots répartis conformément aux plans prévus, les hommes sont à l’œuvre. « On scie, on essouche et on s’entraide. » Des maisons typiques des plans de colonisation parsèmeront plus tard le rang.
Pour quelques-uns, le choc est trop brutal, et quelques familles décident de rebrousser chemin et retourner aux Îles. L’histoire ne dit pas s’ils furent plus heureux, mais avec les années, ceux qui sont restés se sont créé un milieu de vie enviable. Puis, à leur tour, des Madelinots-Abitibiens et leurs descendants ont dû essaimer ailleurs, car l’agriculture ne nourrit pas tout son monde.
C’est ainsi que, si vous côtoyez un peu partout, principalement en Abitibi, des Boudreau, Lapierre, Aucoin, Loiseau, Longuépée, Gaudet, Thériault, Arseneau, Turbide, Nadeau, Deschamps et toutes les dynasties Poirier, vous aurez la chance d’en fréquenter un. \
Des Îles de la Madeleine à l’Île Nepawa était présenté en grande première à l’ouverture du Festival de cinéma des gens d’ici, à Val-d’Or le 29 septembre dernier.