Nos vacances d’enfance laissent souvent en nous des souvenirs indélébiles, mais jamais autant que s’il s’y était commis un homicide. Andrée A. Michaud, dans son roman Bondrée, nous amène au cœur  la forêt de « Boundary » où, pendant l’été 67, un meurtrier à l’esprit troublé, hanté par ses souvenirs d’un chasseur reclus et d’un compagnon de guerre tombé au front, aurait tué deux jeunes filles.

L’histoire tangue entre la vision d’Andrée, dont le quotidien ballotté entre l’enfance et l’adolescence est toujours bouleversé par ces violences, et celle de Michaud, l’inspecteur tourmenté par les spectres de jeunes filles.

Ce récit profond porte à réfléchir sur les importants changements de la psyché et la perte de l’innocence, provoqués par le drame vécu dans l’enfance de la jeune fille : « Bondrée était en quarantaine, mais aussi en deuil, parce qu’une fille était morte, parce qu’on allait tous y passer. »

Ce roman sombre démontre, par son vocabulaire riche, une maîtrise prodigieuse de la langue, et se construit dans un chevauchement du français et de l’anglais, si représentatif du Québec moderne. Le récit avance à un rythme lent, qui convient tout à fait au propos réflexif de l’œuvre, porté par de longues phrases auxquelles se mêlent les dialogues. Il n’est pas facile de se plonger au cœur du paradis assombri des immenses forêts de Bondrée, mais je ne regrette assurément pas d’avoir pu me délecter du nectar lexical, tissé habilement de la main de l’auteure qui prête son nom et son prénom à ses personnages. Au final, dans la mémoire des deux Andrée, le Bondrée des souvenirs demeurera toujours une forêt mystique où l’enfance et la mort se côtoient.


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